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emmanuel macron - Page 7

  • Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment)

    « À l’issue du second tour des élections législatives, le Président de la République va nommer un Premier Ministre sans qu’un délai précis ne lui soit imposé. Constitutionnellement, le Président de la République peut choisir de nommer qui il veut à Matignon, mais Emmanuel Macron doit s’assurer que la personne qu’il choisit sera soutenue par une majorité, comme le veut le régime parlementaire dans lequel nous sommes, qui résultent des articles 20 et 49 de la Constitution. » (Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste, le 5 juillet 2024 dans "Libération").



     

     
     


    On l'avait cauchemardé, et ce cauchemar vient de s'échouer sur le mur de la réalité électorale et populaire : l'hypothèse d'un gouvernement RN a été exclue par les électeurs aujourd'hui, ce dimanche 7 juillet 2024, au second tour des élections législatives anticipées, malgré les tentatives de déstabilisation particulièrement scandaleuses. La vague anti-RN est telle que les dirigeants n'ont même pas osé dire qu'on leur avait volé la victoire. Il faudrait surtout demander aux médias comment, pendant quatre semaines, ils nous ont mitraillé sur l'arrivée inéluctable d'un gouvernement RN. Comment ils nous ont électrochoqués, stressés, hystérisés. Comme si la méthode Coué répétée matin midi et soir par Jordan Bardella, un gars de 28 ans qui n'a jamais rien fait de sa vie, sans expérience professionnelle, seulement payé au RN par la famille Le Pen comme apparatchik, aurait dû fonctionner pour l'amener à diriger le gouvernement de la sixième puissance mondiale sous prétexte qu'il multipliait les likes dans tiktok. Le mirage est passé, ouf.

    Les journalistes et les sondeurs, trop aveuglés par leurs projections à la noix qui ne prennent jamais en compte la réalité du terrain des circonscriptions, donnaient une évidence qui n'en était pas une. Depuis plus de vingt-cinq ans, jamais la participation du second tour des élections législatives avait été aussi forte qu'au premier tour. Cette participation a dépassé quelques records. Et cette mobilisation du second tour, au contraire du premier tour, a été exclusivement focalisée pour faire battre le RN. Cela a permis de récupérer des candidats irrattrapables comme François Ruffin mais n'a pas pu sauver par exemple Caroline Fiat en Meurthe-et-Moselle.

    Grâce aux désistements réciproques, la fièvre RN a limité les dégâts et les Français ont clairement dit qu'ils ne voulaient pas de gouvernement RN. Nous voilà rassurés. J'étais en fait dans une confiance relative et prudente dès jeudi et vendredi derniers à partir du moment où j'ai vu l'absence des candidats RN sur le terrain, leur absence de campagne, et leur réalité, leur CV peu attractif. J'ai été soulagé à 20 heures ce dimanche quand la surprise a éclaté : le RN s'est retrouvé relégué en troisième place parmi les trois blocs que composent la classe politique.

    L'incendie est éteint, et il y a eu comme la fin d'une sorte de mauvaise aventure pendant un mois, entre la dissolution et ce second tour, comme si Emmanuel Macron avait fait deux électrochocs, le premier la dissolution et le second la perspective de l'arrivée au pouvoir du RN pour de vrai.

    Pour autant, rien n'est encore joué. Le 18 juillet 2024, les nouveaux députés feront leur entrée dans l'hémicycle et la première opération sera d'élire un Président de l'Assemblée Nationale. Au troisième tour, la majorité relative suffit, en principe. Mais ce n'est pas là la difficulté.

    La difficulté, c'est qu'il faut passer d'une convergence des non, non à Marine Le Pen, non à Emmanuel Macron et non à Jean-Luc Mélenchon, à une construction d'un oui. Un oui pour gouverner la France, au moins pour l'année qui vient (sans possibilité de dissolution) voire jusqu'à l'élection présidentielle en 2027. De la réussite de cette situation inédite dépendra l'avenir de la France et la capacité du RN à s'accroître encore, ou pas.

    Alors que la nouvelle farce populaire a à peine plus de députés que le bloc central d'Ensemble pour la République, et que Les Républicains gagnent même des sièges par rapport à 2022, il faut se souvenir que la plupart des élus hors RN doivent leur élection par le désistement d'un concurrent de l'autre bord. Or, oublier cela, c'est faire encore prospérer le RN.

    À mon sens, les déclarations de la soirée électorale vont dans le mauvais sens : Jean-Luc Mélenchon et ses sbires revendiquent Matignon, Olivier Faure insiste pour dire qu'il refuse tout programme autre que celui irréalisable du NFP, et même LR, non contents d'avoir eu chaud, refusent obstinément à faire alliance avec Ensemble pour construire un gouvernement de raison et continuent dans le stérile Macron bashing. Ils sont encore dans l'ancien temps sans comprendre que le danger du RN reste encore palpable car malgré sa défaite, large défaite, le RN a nettement amélioré sa situation d'avant 2024, notamment en augmentant de moitié son groupe, ce qui lui permet d'augmenter massivement son financement public et sa force de frappe médiatique et politique.

    Seuls, Jérôme Guedj et Raphaël Glucksmann ont un discours de raison dans une gauche qui s'y croit déjà avec le grand soir. Mais non, il n'y a pas de grand soir, juste l'effet mécanique d'un front républicain qui a été très efficace (alors qu'on le disait fini) mais qui n'apporte aucune solution simple à l'élaboration d'un gouvernement : le NFP n'a aucune capacité à gouverner seul, il lui manque environ une centaine de députés, c'est beaucoup trop. Seul, le bloc central peut prétendre rassembler une majorité parlementaire. C'est clair en tout cas que ni Olivier Faure qui est totalement irresponsable et incompréhensible, ni les insoumis ni même Les Républicains sont aujourd'hui prêts à quitter leur rive commode mais inconséquente pour tenter la synthèse d'une coalition qui puisse gouverner durablement la France.

    Comme dans chaque élection, le scrutin a perturbé les destins de centaines de personnalités, soit par leur élection soit par leur défaite. D'un point de vue plus personnel, nous les verrons un peu plus tard lorsque tous les résultats seront connus. Au sein de la majorité, deux personnalités se dégagent, parce qu'elles ont été réélues avec beaucoup de voix : Gérald Darmanin et aussi Gabriel Attal, le Premier Ministre qui s'est émancipé d'Emmanuel Macron. Quant aux vieux partis traditionnels, LR et le PS, il faudra surveiller le retour à l'Assemblée Nationale de l'ancien ministre Laurent Wauquiez et de l'ancien Président de la République François Hollande, très mal élu en Corrèze.

    Les insoumis font après le second tour ce que les dirigeants du RN ont fait avant le premier tour : faire croire aux médias qu'ils occuperont Matignon alors que les Français n'en veulent pas. Les prochains jours promettent de belles joutes politiques. La robustesse des responsables politique sera mesurée. Et avant tout, leur esprit de responsabilité et d'ouverture. Aucun bloc n'a la majorité absolue et ne pourra gouverner sans faire des concessions avec un autre bloc.


    Voici l'idée des rapports de forces avec les élus des premier et second tour, susceptibles de ne pas être définitifs et surtout susceptibles de se décliner différemment dans la répartition des groupes politiques.

    NFP : 178 sièges.

    Ensemble pour la République, UDI et divers centre : 165 sièges.
    RN, ciottistes et divers extrême droite : 153 sièges.
    LR et divers droite : 66 sièges.
    Autres : 25 sièges (dont régionalistes).
    Sur un total de 577 sièges, soit 289 en majorité absolue.

    C'est rassurant aussi que le peuple refuse la fatalité. Il y avait une sorte de fait accompli, comme si la victoire du RN était acquise avant le scrutin, ce qui était absolument méprisant vis-à-vis des électeurs qui ne s'étaient pas encore prononcés. Chaque chose en son temps : que le peuple parle avant de commenter les sondages. Les instituts de sondages vont devoir réviser leurs modèles pour proposer des prospectives un peu plus réalistes que ce qu'ils ont imposé à "l'opinion publique", même s'ils ont pressenti l'effondrement venir.

    Jamais les jours qui suivent seront aussi incertains sur le plan des institutions que depuis 1958. Une chose est claire, c'est qu'il faut sauvegarder les institutions actuelles qui ont assuré l'expression de la volonté populaire. Une petite musique fait déjà entrevoir la volonté de réformer le mode de scrutin comme si ce serait plus facile avec la proportionnelle : au contraire, elle empêcherait définitivement toute formation de majorité absolue dans le paysage politique particulièrement éclaté d'aujourd'hui. Et finalement si l'on regarde bien, la représentation en nombre de sièges est à peu près similaire à la représentation en nombre de voix dans cette nouvelle Assemblée Nationale.

    La difficulté, ce sera d'abord le vote du budget, la décision politique de la plus grande importance pour le Parlement. Y aura-t-il une majorité pour un budget, et lequel, de budget, ou plutôt, laquelle, de majorité ? Pour l'instant, c'est la grande confusion. À l'évidence, tous les regards se tournent vers le parti socialiste : tant qu'il sera mélenchonisé par Olivier Faure, tout restera bloqué et le RN aura de beaux jours devant lui. Esprit de parti ou esprit de responsabilité, intérêt d'appareil ou intérêt de la nation, plat de lentilles ou vision historique : c'est le choix que devra faire chaque député socialiste, un à un, gardant toutes ses convictions mais bien conscient qu'il doit son élection, pour la plupart d'entre eux, par le désistement voire le soutien d'un candidat macroniste. Ne pas comprendre cela, c'est laisser prospérer une extrême droite encore plus excitée d'avoir loupé son hold-up du siècle.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240707-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-18-la-fin-du-255681

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/07/article-sr-20240707-legislatives.html



     

  • Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !

    « Ce qui est sûr, c'est que nous, on a une ligne qui est de ne pas augmenter les impôts ni sur les entreprises ni sur les Français. (…) Et je vais vous dire : je pense que, économiquement, on a mis le pays sur le bon rail. Moi, je fais partie d'une génération qui a grandi en entendant en permanence que le chômage de masse, c'était une fatalité, qu'on n'arriverait jamais en France de sortir du chômage de masse, qu'on resterait toujours collés à 10% de chômage. Qu'est-ce que je vois aujourd'hui ? On a fait la moitié du chemin vers le plein emploi. On a le taux de chômage le plus bas depuis 25 ans, le taux de chômage des jeunes le plus bas depuis 40 ans. On a créé 2,5 millions d'emplois ces dernières années. Il y a 1 million d'apprentis chaque année dans les entreprises. Ça, c'est positif ! » (Gabriel Attal, le 3 juillet 2024 sur BFMTV).



     

     
     


    Ces élections législatives anticipées auront fait éclater tous les records, et d'abord, la brièveté de la campagne électorale. Vu le côté malsain du genre, ce n'est peut-être pas mal d'en finir le plus vite, mais cela signifie aussi que les débats sur l'avenir de la France ont été bâclés. Ce qu'a fait Emmanuel Macron avec la dissolution, qui restera incompréhensible pendant encore longtemps, est ce qu'on appellerait en métallurgie une trempe, et pas une trempe dans un bain d'huile, mais plutôt dans de l'eau glacée. C'est-à-dire que la cristallisation s'arrête nette avec la dissolution, la cristallisation des intentions de vote, et c'était facile de les connaître puisque ce sont les mêmes que les résultats des élections européennes, là est certainement l'erreur de l'Élysée alors que le pays allait mieux économiquement.

    Ce n'est pas un mal d'en finir, mais peut-être comme l'agonie d'une maladie sans retour ? Au-delà de la violence verbale, observée notamment sur les réseaux sociaux, voici de la vraie violence, physique, brutale, comme mercredi avec l'agression contre la ministre Prisca Thevenot et son équipe de campagne à Meudon-la-Forêt ou encore à Grenoble, violence contre un élu de La Tronche signalée par Olivier Véran.

    Les sondages qui font des projections en sièges pour le second tour sont toujours à prendre avec des pincettes. Cependant, tous les instituts de sondages ont bien remarqué qu'entre le soir du premier tour et ce milieu de semaine, après le dépôt des candidatures, l'estimation pour le RN a fortement baissé et laisserait croire que le spectre d'une majorité absolue de députés RN s'éloignerait de manière irrévocable.

    C'est vrai que cette baisse pourrait s'expliquer par deux phénomènes. Le premier vient directement des désistements et de la transformation des triangulaires en des duels. Là où le candidat RN arrivé en tête pouvait se faire élire avec moins de 50% dans une triangulaire doit atteindre les 50% dans un duel. Mais le précédent des élections législatives de juin 2022 a montré que le RN pouvait se faire élire dans les duels, puisque les 89 députés RN élus en 2022 l'ont été dans la quasi-totalité des cas dans des duels. Il n'y a plus de plafond de verre depuis longtemps, et le 30 juin 2024, 37 candidats RN ont même été élus dès le premier tour en présence de cinq, six, sept, etc. candidats.


    Le second phénomène est plus intéressant et plus remarquable : les sondés se mettent, pour certains, à changer les perspectives de leur vote. En effet, lorsque des députés sortants voire des ministres actuels se sont retirés de la compétition parce qu'ils étaient en troisième position dans une triangulaire, même s'ils pouvaient imaginer bénéficier de bons rapports de voix au second tour et envisager leur réélection, ils ont prouvé qu'ils sacrifiaient leur carrière, du moins leur situation à court terme, au nom du front républicain afin d'éviter un gouvernement RN. Cet exemple va donc encourager les électeurs à faire de même, cet acte difficile de devoir peut-être voter pour un candidat qui ne pense pas comme eux mais dans le but urgent et salutaire d'empêcher l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir.

    C'est le principe de l'urgence électorale proposée par Raphaël Glucksmann. Or, curieusement, le front républicain fonctionne beaucoup mieux que prévu parce qu'il reste une majorité de Français opposés fermement à un gouvernement RN, même s'ils ne sont pas d'accord pour savoir par quoi le remplacer. En cela, ce vote de barrage n'a rien d'antidémocratique, au contraire, c'est bien le jeu démocratique et si les victimes de ce barrage, en l'occurrence ici le RN, perdent des sièges à cause de cela, c'est au contraire par le jeu de la démocratie parce qu'ils sont (encore) minoritaires dans le pays (33% n'a jamais été égal à 50% : un tiers ne vaut pas une moitié).
     

     
     


    Pour autant, il y a des mécanismes qui sont particulièrement redoutables : un parti qui atteint la première place à plus de 30% des voix au premier tour des élections législatives remporte généralement la majorité absolue des sièges au second tour par l'effet majoritaire. Les sondeurs sont aujourd'hui dans la difficulté : certes, ils ont excellemment bien évalué les audiences électorales en nombre de voix des partis au niveau national, tant pour les élections européennes que pour le premier tour de ces législatives (il faut le leur reconnaître). Mais leurs projections en sièges sont basées sur des modèles inédits et une configuration de trois pôles politiques de force à peu près équivalente.

    Or, le principe du front républicain, du barrage contre l'extrême droite, ne peut fonctionner qu'avec une forte mobilisation électorale : l'abstention ou le vote nul ou blanc ne sont pas des options si l'on veut absolument empêcher l'extrême droite d'arriver au pouvoir. Il faut pour cela voter pour le candidat opposé au RN, qu'il soit d'un bord politique proche comme d'un bord politique très différent.

    Le risque de démobilisation est grand car si les électeurs se disent qu'ils peuvent ne pas aller voter car le second tour est déjà joué, que le RN n'obtiendrait pas la majorité absolue dimanche prochain, ils se trompent car la condition nécessaire pour l'efficacité de ce barrage, c'est justement qu'ils se déplacent en masse et votent pour le candidat opposé, même si cela fait mal, car cela fera moins mal que de se réveiller avec le RN et le clan Le Pen au pouvoir.

    De plus, l'argument selon lequel la formation politique du candidat opposé au RN ne pourra pas atteindre la majorité absolue signifie que son programme, même en votant pour lui, ne pourra pas s'appliquer, du moins en l'état. Et cet argument est valable avant le second tour en connaissant la situation de chaque circonscription après le premier tour et après les désistements : le NFP ne pourra pas obtenir de majorité absolue ni d'ailleurs le bloc central.


    Cela ne dira pas quel sera le prochain gouvernement car l'Assemblée Nationale a un grand risque d'être éclatée. La question qui se posera alors d'un gouvernement de "grande coalition" concernera une situation totalement inédite sous la Cinquième République. Notre Constitution est stable, solide et souple, elle a pu s'adapter à de nombreuses situations institutionnelles inédites : d'abord, avec un Président qui n'était plus gaulliste, en mai 1974, puis avec une véritable alternance politique, socialo-communiste, en mai 1981, ensuite avec une cohabitation entre une majorité parlementaire de bord opposé à celui du Président de la République.

    La situation sans majorité absolue était en fait conçue comme la plus probable dans l'esprit des constituants de 1958 (parce que la situation d'un parti hégémonique n'avait jamais été observée dans le passé), et ce fut le cas en novembre 1958, en juin 1988 et en juin 2022, mais cette situation de majorité relative était à quelques dizaines de voix près que le pouvoir pouvait trouver auprès de formations proches politiquement (centristes en 1958 et en 1988, socialistes ou LR, selon les textes, en 2022).


    Si le RN ne parvient pas à obtenir la majorité absolue, la situation parlementaire sera inédite parce qu'aucune coalition n'aura de majorité absolue et sera loin de celle-ci. Or, deux partis déjà rejettent a priori le principe de "grande coalition" : le RN, bien sûr, qui souhaite gouverner tout seul, quitte à attendre encore son tour, et les insoumis prêts à tout pour créer la crise de régime (ce qui est fort peu responsable). Donc, on surveillera avec attention le total de ces deux partis extrémistes pour savoir si, à eux deux, ils possèdent une majorité absolue de destruction, à savoir s'ils peuvent renverser un gouvernement à eux deux, dans une sorte de collusion du pire. Rappelons qu'en 2022, la majorité présidentielle bénéficiait de cette absence de majorité absolue des extrêmes (RN+FI) en raison du groupe LR dans l'opposition mais responsable et constructive (pour certains de ses membres, du moins).

    Candidats Premiers Ministres et ministres se pressent sur les plateaux de télévision pour la "grande coalition", mais à mon sens, c'est beaucoup trop tôt. Xavier Bertrand a proposé une méthode aux formations politiques responsables qui accepteraient de relever le défi d'une "grande coalition" : se réunir pour se mettre d'accord sur tous les désaccords (réunion très facile à conclure !)... puis énumérer les possibles points d'accord (aide à l'Ukraine, transition écologique, construction de l'Europe, etc.) et construire un gouvernement sur ces points-là uniquement.

    La méthode serait inédite sous la Cinquième République car elle proposerait deux innovations : parler d'abord de programme d'action avant de parler des personnalités qui l'incarneraient (c'est l'erreur aussi du RN : les dirigeants du RN ont misé sur la seule personnalité de Jordan Bardella avec une absence totale de programme revu à la baisse chaque jour pour éviter les polémiques) ; ensuite, choisir les personnalités sans l'initiative du Président de la République, comme dans une cohabitation, y compris pour les ministres qui pourraient appartenir à la coalition Ensemble pour la République.

    Le nouveau Premier Ministre devra donc incarner cette nouvelle coalition, il devra être expérimenté, connaître les joutes parlementaires, être consensuel, et permettre à chaque formation qui la composerait de rester crédible auprès de son propre électorat. Inutile de citer quelques noms avant le second tour car cela se ferait au mépris de la volonté des électeurs qui doivent d'abord se prononcer.

    Dans tous les cas, majorité absolue pour le RN ou pas majorité absolue, ce parti d'extrême droite sortira extrêmement renforcé dimanche soir à l'issue de ces élections législatives anticipées. Avec au moins 200 sièges (au moins le double ou le triple de l'actuel groupe RN de 2022), le RN va être le parti le plus riche de France, au financement massif, avec une pléthore de collaborateurs parlementaires, une caisse de résonance dans l'hémicycle et cette perspective d'une élection présidentielle prochaine dont il sera le favori.


    Sans majorité absolue, le RN aura beau jeu de crier à la victoire volée, laissant apparaître sa vraie nature, celle de contester la volonté démocratique et de se victimiser, à l'instar des trumpistes de 2020, en criant au complot, au coup d'État par le système. Et pourtant, s'il y a bien aujourd'hui un parti qui représente le système par excellence, c'est bien le RN/FN, présent massivement depuis 1984 (quarante ans) et que le système a financé massivement, au point que certains en ont un peu trop abusé (d'où le procès contre des dirigeants du RN fixé le 30 septembre 2024). L'extrémisme se caractérise par cette particularité qu'on n'est démocrate que dans le cas où l'on gagne.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
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    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
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    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
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    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
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    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
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    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.













    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240704-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-17-rien-n-est-255610

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/04/article-sr-20240704-legislatives.html



     

  • Législatives 2024 (16) : la question de l'extrême urgence

    « Je pense que nous sommes dans une situation vertigineuse. La France est au bord d'une falaise et on ne sait pas si on va sauter, en fait, du haut de la falaise. Il y a une forme de gouffre qui s'est ouvert depuis le 9 juin à 21 heures, une atmosphère extrêmement tendue dans le pays, et la conscience que le choix qu'on va faire, là, est un choix qui va redessiner le visage du pays. » (Raphaël Glucksmann, le 4 juillet 2024 sur France Inter).



     

     
     


    Invité de la matinale de France Inter ce jeudi 4 juillet 2024, l'ancienne tête de liste socialiste aux élections européennes Raphaël Glucksmann a exprimé son inquiétude pour l'avenir de la France et a redit l'enjeu de ces élections législatives : « Je suis dans l'inquiétude (…). Depuis le début, moi, je vois ces élections comme un référendum. Et encore plus depuis le premier tour. Un référendum avec une question simple : est-ce que nous voulons que l'extrême droite prenne le pouvoir en France ? Est-ce que nous voulons que la famille Le Pen s'empare de ce pays ? Est-ce que nous voulons avoir au gouvernement les dirigeants de l'extrême droite française dans ce moment-là de notre histoire ? Alors que la guerre fait rage en Europe, alors que notre démocratie est déjà fragile, alors que notre société est déjà extrêmement polarisée, est-ce que nous voulons prendre ce risque, oui ou non ? Et depuis ce 9 juin, je vis avec cette inquiétude en moi. ».

    Et de répéter : « La vérité, c'est que, là, nous sommes dans une morale de l'extrême urgence. Et nous sommes dans une morale de l'extrême urgence en réalité depuis le 9 juin, depuis la décision insensée du Président de la République. Cette morale de l'extrême urgence, elle commande quoi ? D'empêcher la victoire du Rassemblement national ce dimanche. C'est ça qui conduit à une union des contraires dans les urnes, au fait que quand vous êtes de droite, vous serez amené à prendre une décision extrêmement difficile, c'est-à-dire de mettre un bulletin de gauche dans l'urne, et quand vous êtes de gauche, vous serez amené à voter pour des gens aussi loin de vos idées que Monsieur Darmanin. ».

     

     
     


    Un premier sondage a été publié dans la soirée du mercredi 3 juillet 2024 avec une enquête commencée après la fin du dépôt des candidatures du second tour et la connaissance des désistements et maintiens des candidats. Il s'agit du sondage réalisé par Harris-Interactive et Toluna pour M6, "Challenges" et RTL sur un échantillon de 3 383 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus dont 3 008 sont inscrites sur les listes électorales françaises, interrogées du 2 juillet 2024 au soir au 3 juillet 2024.

    C'est un sondage qui indique la projection en nombre de sièges et pas en nombre de voix (ce dernier beaucoup plus facile pour les sondeurs). Déjà pour un sondage normal, il faut être extrêmement prudent, mais pour les projections en sièges, encore plus car le résultat dépend de la répartition des votes dans les 501 circonscriptions restant en lice (76 députés ont déjà été élus dès le premier tour).

    Voici ce que donnerait le sondage (majorité absolue à 289 sièges) : 190 à 220 sièges pour le RN et alliés ciottistes (extrême droite), 159 à 183 sièges pour le NFP (gauche et extrême gauche), 110 à 135 sièges pour Ensemble la République (majorité présidentielle) et 30 à 50 sièges pour LR. Je le répète, il faut être extrêmement prudent avec ces données, même elles sont logiques par rapport aux projections données au soir du premier tour qui ne prenaient pas en compte les désistements : la représentation parlementaire du RN s'en trouverait affectée.
     

     
     


    Si on reprend la répartition par blocs, en rassemblant Ensemble et LR dans le bloc central, on se retrouve avec un bloc RN le plus nombreux et suivi de très près des deux autres blocs (gauche et central) qui sont à peu près d'égale importance. Cela confirme cette tripolarisation du paysage politique observée depuis 2022, mais jusqu'à son paroxysme. Trois blocs à peu près égaux mais toujours avec un avantage pour le RN. Dans tous les cas, le germe d'une ingouvernabilité durable du pays.

    Je le répète, attention, ce type de sondage n'est pas prédictif. Pour preuve justement les élections législatives de juin 2022 où les sondages avaient prévu entre 20 et 50 sièges pour le RN et celui-ci a fini avec 89 députés élus. Il est donc très compliqué, dans cette situation inédite, autant pour les Français que pour les sondeurs, de savoir si ces projections minorent ou majorent les forces en présence.

    Plus intéressantes dans ce sondage sont les questions plus qualitatives.

    On parle de trois blocs dont l'adhésion des Français est autour de 30 à 35% de l'électorat. Mais qu'en est-il de la répulsion ? Et là aussi, une quasi-égalité de détestation, avec malgré tout un avantage pour le RN, et cela de l'ordre de 40 à 45% de l'électorat. Dans le comportement de vote des sondés, 44% le feraient pour s'opposer à un candidat du NFP, 44% autres le feraient pour s'opposer à un candidat de la majorité présidentielle, enfin, 40% autres le feraient pour s'opposer à un candidat du RN. On voit bien que le petit avantage pour le RN revient à conclure qu'il y a plus de vote d'adhésion pour le RN que pour les deux autres blocs. Et la partie de ces sondés qui votent contre et qui sont très sûrs d'eux, l'avantage est pour Ensemble : 33% voudraient beaucoup s'opposer au NFP, 33% autres voudraient beaucoup s'opposer au RN et seulement 26% autres voudraient s'opposer à Ensemble.
     

     
     


    Dans les prévisions de victoire des uns et des autres, il y aurait 37% des électeurs du NFP au premier tour qui croiraient (encore) à la possibilité d'une majorité absolue du NFP à l'issue du second tour, 69% des électeurs du RN au premier tour qui croiraient à la possibilité d'une majorité absolue du RN. En revanche, pour le bloc central, 59% des électeurs de la majorité présidentielle au premier tour et 52% des électeurs de LR au premier tour penseraient que ces élections n'apporteraient aucune majorité absolue à l'un ou l'autre des blocs. Il faut bien insister sur le fait que certaines réponses sont fantaisistes ou au moins irréalistes. Par exemple, il existerait encore 24% des électeurs de LR au premier tour qui penseraient que LR obtiendrait la majorité absolue à l'issue du second tour alors qu'il ne reste qu'une cinquantaine de candidats LR en lice !
     

     
     


    Enfin, le sondage a testé deux hypothèses, une majorité absolue de députés RN et une majorité absolue de députés NFP, et selon leur vote au premier tour, est-ce que les sondés considèrent que la situation de la France s'améliorerait ou se détériorait, d'une part, et que leur situation personnelle s'améliorait ou se détériorait, d'autre part ? Là encore, on voit un avantage donné au RN qui serait 10% de moins pire que le NFP. Et instructif : les électeurs de LR seraient plus partagés que les électeurs des autres partis.
     

     
     


    La perspective d'une majorité absolue de députés RN s'éloignerait-elle pour autant dimanche prochain ? Non ! Car ce ne sont que des sondages et des projections et on sait par expérience que ces projections ne sont jamais fiables. C'est aussi la crainte de Raphaël Glucksmann sur France Inter : « Non, je n'en suis pas sûr. C'est pour ça que la petite musique qui s'installe dans les commentateurs, dans les politiques eux-mêmes, dans les élites parisiennes, une petite musique de déni, de... finalement, le boulet n'est pas passé très loin mais nous avons sauvé les choses, cette musique-là est extrêmement dangereuse, et moi, je viens ici pour lancer un cri d'alarme. En fait, ce n'est pas parce qu'il y a eu des désistements républicains que les reports seront automatiques. Ce n'est pas parce que les appareils politiques ont décidé d'empêcher la victoire du Rassemblement national que ça se traduira dans les urnes. Moi, je crois que la vague, la lame de fond est encore extrêmement puissante. Et que finalement, dans ce déni-là, il y a un truc traditionnel qui habite les élites et qui est : finalement, on sera sûr toujours à bon compte. On a voulu croire qu'on n'aurait pas de claque dimanche dernier. On a eu la claque. Pendant 48 heures, il y a eu une sorte de stupéfaction qui a conduit justement à des gestes politiques. Mais là, je sens déjà le sentiment d'urgence disparaître. Mais moi, je veux dire : il n'y a rien de fait. Le Rassemblement national peut ce dimanche avoir une majorité absolue et être aux commandes de notre pays. Parce que les gestes qui vont être demandés à chacune et à chacun, c'est des gestes extrêmement compliqués. Moi, j'ai fait toute une campagne aux européennes en demandant aux gens de voter avec leur cœur, pour leurs convictions, en cohérence avec les principes qu'ils entendaient défendre. Eh bien là, on leur demande une chose complètement inverse, complètement inverse. On leur demande de mettre finalement sous le boisseau leurs envies pour hiérarchiser les périls et voter pour des gens dont ils ne partagent pas les idées. C'est un geste extrêmement difficile, il ne faut pas le sous-estimer, ce n'est pas parce qu'il y a des consignes de vote que ça se traduira dans l'isoloir. ».

    C'est pour cela qu'il est aussi indécent d'envisager une situation de "grande coalition" (de LR au NFP, de Xavier Bertrand à Marine Tondelier) que d'envisager un gouvernement RN (de Jordan Bardella) dès maintenant. Il faut d'abord laisser le peuple s'exprimer dimanche prochain et c'est seulement après, selon la situation réelle, qu'il faudra trouver d'une manière ou d'une autre la méthode pour former un nouveau gouvernement. C'est indécent quand François Ruffin (qui a annoncé qu'il quitterait le groupe FI s'il était réélu) ou même Olivier Faure veulent imposer à l'hypothèse de "grande coalition" les conditions d'abrogation de la réforme des retraites, de rétablissement de l'ISF, etc. Ce n'est pas ainsi qu'on combat efficacement le RN en nourrissant la peur de l'extrême gauche comme l'agite comme un épouvantail les dirigeants du RN.

    C'est dans cette perspective que la position de Raphaël Glucksmann est la meilleure : l'extrême urgence reste d'empêcher le RN de gouverner la France dans quatre jours. Après, on verra ! Dans l'intérêt de la Nation et de la République.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Raphaël Glucksmann.
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240703-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-16-la-question-255606

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/04/article-sr-20240703-legislatives.html




     

  • L'urgence absolue de Raphaël Glucksmann

    « Je pense que nous sommes dans une situation vertigineuse. La France est au bord d'une falaise et on ne sait pas si on va sauter, en fait, du haut de la falaise. Il y a une forme de gouffre qui s'est ouvert depuis le 9 juin à 21 heures, une atmosphère extrêmement tendue dans le pays, et la conscience que le choix qu'on va faire, là, est un choix qui va redessiner le visage du pays. » (Raphaël Glucksmann, le 4 juillet 2024 sur France Inter).



     

     
     

    Invité de la matinale de France Inter ce jeudi 4 juillet 2024, l'ancienne tête de liste socialiste aux élections européennes Raphaël Glucksmann a exprimé son inquiétude pour l'avenir de la France et a redit l'enjeu de ces élections législatives : « Je suis dans l'inquiétude (…). Depuis le début, moi, je vois ces élections comme un référendum. Et encore plus depuis le premier tour. Un référendum avec une question simple : est-ce que nous voulons que l'extrême droite prenne le pouvoir en France ? Est-ce que nous voulons que la famille Le Pen s'empare de ce pays ? Est-ce que nous voulons avoir au gouvernement les dirigeants de l'extrême droite française dans ce moment-là de notre histoire ? Alors que la guerre fait rage en Europe, alors que notre démocratie est déjà fragile, alors que notre société est déjà extrêmement polarisée, est-ce que nous voulons prendre ce risque, oui ou non ? Et depuis ce 9 juin, je vis avec cette inquiétude en moi. ».

    Et de répéter : « La vérité, c'est que, là, nous sommes dans une morale de l'extrême urgence. Et nous sommes dans une morale de l'extrême urgence en réalité depuis le 9 juin, depuis la décision insensée du Président de la République. Cette morale de l'extrême urgence, elle commande quoi ? D'empêcher la victoire du Rassemblement national ce dimanche. C'est ça qui conduit à une union des contraires dans les urnes, au fait que quand vous êtes de droite, vous serez amené à prendre une décision extrêmement difficile, c'est-à-dire de mettre un bulletin de gauche dans l'urne, et quand vous êtes de gauche, vous serez amené à voter pour des gens aussi loin de vos idées que Monsieur Darmanin. ».

     
     

    Un premier sondage a été publié dans la soirée du mercredi 3 juillet 2024 avec une enquête commencée après la fin du dépôt des candidatures du second tour et la connaissance des désistements et maintiens des candidats. Il s'agit du sondage réalisé par Harris-Interactive et Toluna pour M6, "Challenges" et RTL sur un échantillon de 3 383 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus dont 3 008 sont inscrites sur les listes électorales françaises, interrogées du 2 juillet 2024 au soir au 3 juillet 2024.

    C'est un sondage qui indique la projection en nombre de sièges et pas en nombre de voix (ce dernier beaucoup plus facile pour les sondeurs). Déjà pour un sondage normal, il faut être extrêmement prudent, mais pour les projections en sièges, encore plus car le résultat dépend de la répartition des votes dans les 501 circonscriptions restant en lice (76 députés ont déjà été élus dès le premier tour).

    Voici ce que donnerait le sondage (majorité absolue à 289 sièges) : 190 à 220 sièges pour le RN et alliés ciottistes (extrême droite), 159 à 183 sièges pour le NFP (gauche et extrême gauche), 110 à 135 sièges pour Ensemble la République (majorité présidentielle) et 30 à 50 sièges pour LR. Je le répète, il faut être extrêmement prudent avec ces données, même elles sont logiques par rapport aux projections données au soir du premier tour qui ne prenaient pas en compte les désistements : la représentation parlementaire du RN s'en trouverait affectée.

     
     


    Si on reprend la répartition par blocs, en rassemblant Ensemble et LR dans le bloc central, on se retrouve avec un bloc RN le plus nombreux et suivi de très près des deux autres blocs (gauche et central) qui sont à peu près d'égale importance. Cela confirme cette tripolarisation du paysage politique observée depuis 2022, mais jusqu'à son paroxysme. Trois blocs à peu près égaux mais toujours avec un avantage pour le RN. Dans tous les cas, le germe d'une ingouvernabilité durable du pays.

    Je le répète, attention, ce type de sondage n'est pas prédictif. Pour preuve justement les élections législatives de juin 2022 où les sondages avaient prévu entre 20 et 50 sièges pour le RN et celui-ci a fini avec 89 députés élus. Il est donc très compliqué, dans cette situation inédite, autant pour les Français que pour les sondeurs, de savoir si ces projections minorent ou majorent les forces en présence.

    Plus intéressantes dans ce sondage sont les questions plus qualitatives.

    On parle de trois blocs dont l'adhésion des Français est autour de 30 à 35% de l'électorat. Mais qu'en est-il de la répulsion ? Et là aussi, une quasi-égalité de détestation, avec malgré tout un avantage pour le RN, et cela de l'ordre de 40 à 45% de l'électorat. Dans le comportement de vote des sondés, 44% le feraient pour s'opposer à un candidat du NFP, 44% autres le feraient pour s'opposer à un candidat de la majorité présidentielle, enfin, 40% autres le feraient pour s'opposer à un candidat du RN. On voit bien que le petit avantage pour le RN revient à conclure qu'il y a plus de vote d'adhésion pour le RN que pour les deux autres blocs. Et la partie de ces sondés qui votent contre et qui sont très sûrs d'eux, l'avantage est pour Ensemble : 33% voudraient beaucoup s'opposer au NFP, 33% autres voudraient beaucoup s'opposer au RN et seulement 26% autres voudraient s'opposer à Ensemble.
     

     
     


    Dans les prévisions de victoire des uns et des autres, il y aurait 37% des électeurs du NFP au premier tour qui croiraient (encore) à la possibilité d'une majorité absolue du NFP à l'issue du second tour, 69% des électeurs du RN au premier tour qui croiraient à la possibilité d'une majorité absolue du RN. En revanche, pour le bloc central, 59% des électeurs de la majorité présidentielle au premier tour et 52% des électeurs de LR au premier tour penseraient que ces élections n'apporteraient aucune majorité absolue à l'un ou l'autre des blocs. Il faut bien insister sur le fait que certaines réponses sont fantaisistes ou au moins irréalistes. Par exemple, il existerait encore 24% des électeurs de LR au premier tour qui penseraient que LR obtiendrait la majorité absolue à l'issue du second tour alors qu'il ne reste qu'une cinquantaine de candidats LR en lice !
     

     
     


    Enfin, le sondage a testé deux hypothèses, une majorité absolue de députés RN et une majorité absolue de députés NFP, et selon leur vote au premier tour, est-ce que les sondés considèrent que la situation de la France s'améliorerait ou se détériorait, d'une part, et que leur situation personnelle s'améliorait ou se détériorait, d'autre part ? Là encore, on voit un avantage donné au RN qui serait 10% de moins pire que le NFP. Et instructif : les électeurs de LR seraient plus partagés que les électeurs des autres partis.
     

     
     


    La perspective d'une majorité absolue de députés RN s'éloignerait-elle pour autant dimanche prochain ? Non ! Car ce ne sont que des sondages et des projections et on sait par expérience que ces projections ne sont jamais fiables. C'est aussi la crainte de Raphaël Glucksmann sur France Inter : « Non, je n'en suis pas sûr. C'est pour ça que la petite musique qui s'installe dans les commentateurs, dans les politiques eux-mêmes, dans les élites parisiennes, une petite musique de déni, de... finalement, le boulet n'est pas passé très loin mais nous avons sauvé les choses, cette musique-là est extrêmement dangereuse, et moi, je viens ici pour lancer un cri d'alarme. En fait, ce n'est pas parce qu'il y a eu des désistements républicains que les reports seront automatiques. Ce n'est pas parce que les appareils politiques ont décidé d'empêcher la victoire du Rassemblement national que ça se traduira dans les urnes. Moi, je crois que la vague, la lame de fond est encore extrêmement puissante. Et que finalement, dans ce déni-là, il y a un truc traditionnel qui habite les élites et qui est : finalement, on sera sûr toujours à bon compte. On a voulu croire qu'on n'aurait pas de claque dimanche dernier. On a eu la claque. Pendant 48 heures, il y a eu une sorte de stupéfaction qui a conduit justement à des gestes politiques. Mais là, je sens déjà le sentiment d'urgence disparaître. Mais moi, je veux dire : il n'y a rien de fait. Le Rassemblement national peut ce dimanche avoir une majorité absolue et être aux commandes de notre pays. Parce que les gestes qui vont être demandés à chacune et à chacun, c'est des gestes extrêmement compliqués. Moi, j'ai fait toute une campagne aux européennes en demandant aux gens de voter avec leur cœur, pour leurs convictions, en cohérence avec les principes qu'ils entendaient défendre. Eh bien là, on leur demande une chose complètement inverse, complètement inverse. On leur demande de mettre finalement sous le boisseau leurs envies pour hiérarchiser les périls et voter pour des gens dont ils ne partagent pas les idées. C'est un geste extrêmement difficile, il ne faut pas le sous-estimer, ce n'est pas parce qu'il y a des consignes de vote que ça se traduira dans l'isoloir. ».

    C'est pour cela qu'il est aussi indécent d'envisager une situation de "grande coalition" (de LR au NFP, de Xavier Bertrand à Marine Tondelier) que d'envisager un gouvernement RN (de Jordan Bardella) dès maintenant. Il faut d'abord laisser le peuple s'exprimer dimanche prochain et c'est seulement après, selon la situation réelle, qu'il faudra trouver d'une manière ou d'une autre la méthode pour former un nouveau gouvernement. C'est indécent quand François Ruffin (qui a annoncé qu'il quitterait le groupe FI s'il était réélu) ou même Olivier Faure veulent imposer à l'hypothèse de "grande coalition" les conditions d'abrogation de la réforme des retraites, de rétablissement de l'ISF, etc. Ce n'est pas ainsi qu'on combat efficacement le RN en nourrissant la peur de l'extrême gauche comme l'agite comme un épouvantail les dirigeants du RN.

    C'est dans cette perspective que la position de Raphaël Glucksmann est la meilleure : l'extrême urgence reste d'empêcher le RN de gouverner la France dans quatre jours. Après, on verra ! Dans l'intérêt de la Nation et de la République.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Raphaël Glucksmann.
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240704-raphael-glucksmann.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/04/article-sr-20240704-raphael-glucksmann.html




     

  • Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !

    « N’acceptez jamais que s’impose à vous une chape de plomb conservatrice et pessimiste, fondée sur le postulat que ce qui a été fait, bâti, créé hier serait nécessairement meilleur que ce qui pourrait être fait, bâti, créé demain. La France est le pays de la querelle des anciens et des modernes. Elle a vocation à bousculer les idées, les mœurs, les habitudes, les prétendues certitudes. » (Jacques Chirac, 2011).



     

     
     



    Dans un article publié le 24 septembre 2021, j'introduisais ces propos chiraquiens avec la remarque suivante : « Tous ceux qui passent leur temps à dénigrer la France, à cracher et à chier sur ce beau pays, à verser matin midi et soir leur bile sur la France, sur les Français, sur le peuple français, sur les dirigeants de la France (quels qu’ils soient), sur l’avenir de la France, ce ne sont pas des patriotes, contrairement à ce qu’ils prétendent être, ce sont des ennemis de la France. » (désolé pour l'auto-citation). Aujourd'hui, on semble revenus, dans les débats politiques, à un siècle en arrière, avec de la violence verbale et aucune frontière sur la bienveillance de son adversaire et surtout, sur la convenance des propos.

    Malheureusement dans cette campagne législative ultra-courte, la raison est absolument inaudible. La France est-elle en ruines ? Pas du tout, au contraire, mais qu'importe ! Il faut qu'elle soit en ruines si on veut être choisi pour sa reconstruction. Le problème, ce sont les formulations autoréalisatrices : à force de croire que la France est en ruines, on choisit les futurs gouvernants qui vont effectivement ruiner la France. Paradoxal.

    La petite phrase du titre est très connue et est fréquemment attribuée à Charles Pasqua ou à Jacques Chirac (on ne prête qu'aux riches !). Elle proviendrait en fait d'un barbier malin qui, devant sa boutique, avait affiché : "Demain, on rase gratis !". L'astuce, c'est qu'il laissait cette affiche tous les jours, et donc, tous les jours, c'était gratuit le lendemain ! Avec le programme du RN, on a un peu cela, et malheureusement, comme pour les clients du barbier, beaucoup d'électeurs y croient et risquent de voter pour un candidat du RN au second tour des élections législatives. Leur sincérité n'est pas en cause : les Français ont toujours voulu croire au Père Noël et celui-ci a eu plusieurs noms : Thiers, Clemenceau, Raymond Poincaré, Pétain, Pierre Mendès France, De Gaulle, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron... et maintenant, le Père Bardella ?

     

     
     


    Que ce soit à la campagne des élections européennes comme à celle des élections législatives, ce que dit Jordan Bardella est absolument faux. Quand il déclare qu'il est pour l'Ukraine, les faits le démentent : tous ses votes au Parlement Européen entre 2019 et 2024 montrent le contraire, refusant les sanctions économiques contre la Russie ou les motions soutenant l'Ukraine. Jordan Bardella peut même considéré comme un troll de Vladimir Poutine à Strasbourg, comme, du reste, la plupart des autres députés RN. Bravo le patriotisme de pacotille ! Ça craint pour mon pays !

    Le dessin assez connu du loup qui promet d'être végétarien (trouvé sur le site L'Actu citoyenne, le titre en rouge a été rajouté par votre serviteur) fait beaucoup penser à Jordan Bardella. Tout dans la communication : bien habillé, poli, respectable (j'avoue que c'est un soulagement relatif par comparaison quand on regarde de l'autre côté de l'échiquier), un bureau où aucune note ne dépasse (pour une fois), un fauteuil, et puis ce discours robotisé, une leçon bien apprise, du plagiat systématique qui ne fait même pas rire et pourtant, quelle parodie de bras cassés, par exemple, dans un échange avant le premier tour, jeudi 27 juin 2024 sur France 2, Jordan Bardella s'est obligé de dire « Vous n'avez pas le monopole du cœur ! » sans se rendre compte du ridicule de la situation (n'est pas De Gaulle qui veut, mais n'est pas Valéry Giscard d'Estaing qui veut non plus !).

    Le ridicule, à la rigueur, mais l'ignominie, sans réaction de part et d'autre, c'est véritablement scandaleux ; quand Jordan Bardella a lancé après quelques « Ben voyons ! » un : « Revoilà Jean Moulin ! » au premier secrétaire du PS Olivier Faure (par ailleurs complètement mélenchonisé). Ce cynisme montre bien le double langage qu'on retrouve aussi sur différents points de programme (et pas des points de détail !), par exemple sur la binationalité (j'y reviendrai).


    La contre-attaque du RN face à cette campagne de désistement des candidatures pour renforcer un front républicain dont on ne connaîtra réellement l'efficacité que dimanche soir prochain, c'est de dire que c'est de la cuisine, de la manœuvre politicienne. Il n'y a pourtant aucune cuisine nulle part : un candidat arrivé en troisième position qui, selon les cas, voit bien que son élection au second tour est compromise (pas toujours : il peut agréger des reports de voix des candidats non qualifiés, mais c'est assez rare car les électeurs ont voté en bloc pour les trois pôles à 90-95% si bien qu'aucun des candidats restants en lice, dans une triangulaire, n'a véritablement de réserves de voix, sauf dans quelques circonscriptions exceptionnelles), ce candidat n'a aucune raison de s'accrocher à une candidature vouée à l'échec certain.

    D'ailleurs, en matière de manœuvres et de cuisine électorales, le RN et ses alliés ne sont pas non plus absents. Ainsi, dans la cinquième circonscription du Maine-et-Loire, le candidat ciottiste soutenu par le RN Gilles Bourdouleix, maire de Cholet depuis 1995, qui avait obtenu 30,5%, avait annoncé lundi qu'il se désistait parce qu'il en avait marre de ces élections nauséabondes. Du coup, les deux autres candidats, le député sortant de la majorité présidentielle Denis Masseglia (qui l'avait battu en 2017 et 2022), arrivé en tête au premier tour avec 33,7% et la candidate insoumise France Moreau, en troisième position avec 21,3%, se sont tous les deux maintenus, croyant avoir affaire à duel Ensemble vs FI (le quatrième candidat, Jacquelin Ligot, de LR, avec seulement 10,2%, n'a pas pu se qualifier pour le second tour). Mais le suppléant de Gilles Bourdouleix a quand même déposé discrètement leur candidature au second tour à la préfecture à la dernière heure avant les 18 heures fatidiques. Résultat, il a manœuvré pour rester dans une configuration de triangulaire qui pourrait l'avantager. Il faut se rappeler que Gilles Bourdouleix, successeur du sénateur Maurice Ligot (dont il était le directeur de cabinet) à la mairie de Cholet, était aussi le député de la circonscription de 2002 à 2017 et qu'il a appartenu successivement au PPDF (parti giscardien d'Hervé de Charette), à l'UDF, à l'UMP, à l'UDI, à LR, et maintenant au RN-ciottiste, et il a même présidé le CNIP de 2009 à 2015 (résidu non giscardien du parti d'Antoine Pinay). Bref, le RN semble finalement bien connaître des recettes de cuisine électorale, bien mieux que ses adversaires, qu'il dénonce pourtant avec véhémence !

    Ce qui est plus étrange, c'est que certains éditorialistes reprennent cette petite musique très populiste de la supposée magouille des désistements alors qu'il n'y a aucune magouille, au contraire, cela clarifie le jeu. Ces éditorialistes (que je ne citerais pas mais dont certains étaient pourtant, anciennement, les cibles privilégiés du RN) seraient-ils en train de préparer une reconversion idéologique pour se retrouver à l'aise dans un supposé nouveau régime ?

    Car c'est bien cela l'enjeu : quand on donne le pouvoir à l'extrême droite, on ne sait jamais quand on pourra le reprendre. Toujours l'histoire du loup et des moutons. Il y a un côté irréversible qui pourrait angoisser tous les passionnés de Jankélévitch. Dans les pays illibéraux (un terme très mal assorti), la liberté de la presse, des médias, les contre-pouvoirs, la justice, beaucoup d'institutions sont attaquées par le pouvoir en place avec ce risque du point de non-retour.

    La consigne du front républicain, à savoir celle par exemple (il n'est pas le seul) de Gabriel Attal : pas une seule voix à un candidat du RN, est malheureusement le résultat d'un profond aveuglément, mais je la soutiens car je ne vois pas quoi faire d'autre. L'aveuglément, c'est qu'une grande partie de la population, de celle qui vote RN (10,6 millions dimanche dernier) ne croit pas que le RN est un parti d'extrême droite mais simplement un parti de droite comme les autres. Pour eux, Emmanuel Macron est un dangereux gauchiste, ce qui en fait le gauchiste le plus détesté des gauchistes, si l'on en juge par le jugement de l'extrême gauche qui considère qu'Emmanuel Macron est un dangereux homme de droite vendu aux sales capitalistes apatrides... Si on était dans les années 1970, on dirait d'Emmanuel Macron : ni Pinochet, ni Brejnev ! Et le peuple a compris : et Pinochet, et Brejnev !

    Que peut penser de ce front républicain un ancien électeur modéré qui vote aujourd'hui pour le RN en pensant que c'est un parti de simple droite et en croyant les discours démagogiques et aseptisés de ses quelques porte-parole ? Que c'est une opération qui tendrait à prouver que tous ceux qui ne sont pas du RN sont de gauche. Dans une logique manichéenne du vieux retour du clivage gauche/droite.


    Pourtant, les déclarations de Marine Le Pen pour préparer le terrain d'une cohabitation affrontement ont de quoi inquiéter : avant le premier tour, elle évoquait le chef de l'État qui serait « chef des armées à titre honorifique » ! Et maintenant, ce mardi, elle évoquait un « coup d'État administratif » alors qu'il y a chaque semaine au conseil des ministres des nominations à des emplois publics (c'est classique), et parler de "coup d'État" (qui est très fort) alors que c'est la loi et la Constitution qui l'imposent, c'est avant-coureur d'un véritable déni de démocratie et de déni de Constitution.

    Pourtant aussi, les échappées solitaires qui font polémiques parmi de candidats RN mal étudiés, mal investis, ne sont pas des exceptions. Ceux qui risquent de venir occuper (et j'emploie à dessein ce verbe) les bancs de l'hémicycle ne sont pas tous de gentils démocrates la main sur le cœur (on parlait de monopole du cœur). Je propose d'aller lire le coup de gueule d'un élu local de l'Essonne, Christian Schoettl, maire de Janvry, petite ville mais ambition folle, allez visiter son marché de Noël (plusieurs dizaines de milliers de visiteurs !), allez participer au salon mondial du chameau (et du dromadaire) avec des invités internationaux de prestige, allez profiter du bar de la plage (même s'il n'y a pas de mer, il n'y a pas que Paris Plage, qui a ouvert ses portes samedi dernier), pour vous rendre compte de ce qu'un élu local est capable de faire avec peu de moyens mais une détermination folle. Cet élu détestait la députée de sa circonscription par son absence sur le terrain, mais il demande aujourd'hui de ne pas trembler ni hésiter à voter pour elle car en face, il y a un candidat du RN qui a vite effacé ses écrits particulièrement puants publiés dans un blog, mais le maire en avait gardé des traces.


    J'y mets un extrait de son billet : « Alors voilà les propos du candidat Rassemblement national, vous noterez que, s'il a tout supprimé, c'est qu'il a, au fond de sa conscience, l'idée que ses idées qu'il défend avec sa plume ne lui vaudront pas que des voix, qu'il faut travestir et avancer masqué.
    "de nos aïeux Francs et Aryens". "Les descendants des Aryens, eux possèdent un génie pour le courage", écrit Jérôme Carbriand, en janvier 2014.
    "On comprend aisément pourquoi aujourd’hui les représentants de la communauté juive (…) s’emploient à appliquer à l’humanité tout entière leur mode de vie nomade."
    "Quant aux 'pédérastes' (dixit le candidat), l’homosexualité est une forme de pathologie, l’homosexuel cherche souvent à imiter la femme, il n’est pas excessivement courageux, se laisse corrompre par tout ce qui est propre à son monde, par le matérialisme et la débauche, sa féminisation venant du fait qu’il s’identifie à sa mère."
    Cet individu [le candidat RN en question] a eu le culot de m'appeler ce matin pour s'expliquer...
    Il commence par me demander si j'ai lu son "droit de réponse".
    Je lui demande : "Monsieur, je veux savoir si vous avez écrit oui ou non cela ?"
    Il me réponds : "Mais c'est au milieu de 15 articles".
    "Avez-vous écrit cela, oui ou non ?"
    "Mais cela a été sorti du contexte" (vous imaginez le contexte qui permettrait de justifier ce vomi).
    À la quatrième ou cinquième interrogation, il finit par dire "oui".
    Du coup, j'ai raccroché en lui disant que je n'avais plus rien à lui dire.
    Il faut vraiment que personne ne nous dise "je ne savais pas", "ils ont changé", "il faut bien essayer".
    Maintenant chacun sait.
    Ils n'ont pas changé.
    Quant à "essayer", cela s'est déjà fait à Vichy.
    Cela s'est vu quand ils cherchaient à assassiner le Général De Gaulle.

    Cela s'est vu lors de leur participation aux festivités néo-nazies en Autriche (ah les bals de Vienne auxquels participait Marine Le Pen au milieu des néo-nazis autrichiens le jour anniversaire de l'Holocauste)... ».

    "Le Monde" a fait son dernier décompte à la limite du dépôt des candidatures du second tour ce mardi 2 juillet 2024 à 18 heures. Au départ, il y avait le 30 juin 2024 au soir la possibilité de 306 triangulaires et 5 quadrangulaires. Selon le quotidien du soir, qui s'est basé sur les déclarations des personnes concernées (il restera à ce que ce soit confirmé par la publication des candidatures le 3 juillet 2024), 218 candidats de triangulaire se sont désistés, dont 131 issus de la gauche et extrême gauche, 82 de la majorité présidentielle (Ensemble pour la République), 2 de LR et 2 du RN (même des candidats du RN se désistent ! C'est dire s'ils croient à leurs déclarations sur la supposée cuisine électorale qu'ils prétendent fustiger).


    Ces désistements ne réduiront peut-être pas la victoire annoncée du RN puisqu'en 2022, le RN avait gagné 89 sièges dans des duels, montrant ainsi qu'il avait fait éclater le plafond de verre. En anticipant à longueur de journée la victoire du RN, avec les nouveaux Évangiles que sont les sacro-saints sondages, les médias se trouvent finalement être beaucoup plus complices, de fait, de la montée du RN que la classe politique elle-même. Étonnant, non ?


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    (Les trois illustrations ont été diffusées sur Twitter, d'auteurs inconnus).

    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240702-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-15-les-promesses-255560

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/02/article-sr-20240702-legislatives.html



     

  • Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?

    « L’extrême droite pourrait diriger, lundi prochain, le gouvernement de la France. Et ça, je m’y opposerai comme je m’oppose à La France insoumise et à ses outrances. » (Xavier Bertrand le 1er juillet 2024 sur TF1).



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    Alors que la campagne de l'élection présidentielle de 2022 avait été bâclée, Emmanuel Macron s'en étant d'ailleurs excusé parce qu'il aurait été trop pris avec l'Ukraine et l'Europe, ce qui était un tantinet méprisant pour les électeurs, il manquait à l'évidence une véritable campagne électorale : en quelques jours, ces élections législatives anticipées ont ainsi rattrapé le retard de six mois de campagne. Les sondages ont dit que les Français auraient été aussi déboussolés par la dissolution que lors du confinement à cause de la crise sanitaire du covid-19. En quelque sorte, avec ces législatives, on solde les années covid, on solde aussi la crise des gilets jaunes qui s'était arrêtée sans conclusion par (si je veux simplifier à outrance) un feu de tristesse. Et de la colère rentrée.

    Plus que les 33,2%, c'est le nombre de voix en valeur absolue qui donne le vertige : 10,6 millions de Français ont glissé le bulletin d'un candidat RN dans l'urne au premier tour, ce qui est inédit (le précédent record à l'élection présidentielle d'avril 2022 : Marine Le Pen avait recueilli 8,1 millions de voix au premier tour et 13,3 millions de voix au second tour). Au premier tour des élections législatives de juin 2022, le RN et Reconquête avaient recueilli 5,2 millions de voix. Cela a doublé en deux ans ! Toutes les couches de la population, les âges, les catégories sociales, les régions votent désormais RN, mais on peut voir cependant des différences encore : plus on est diplômé, moins on vote RN ; plus le salaire est élevé, moins on vote RN ; plus on habite dans les centre-villes, dans les agglomérations, moins on vote RN.

    Jusqu'à la limite du dépôt de candidature pour le second tour, mardi 2 juillet 2024 à 18 heures, l'urgence actuelle des états-majors des partis, depuis les résultats, est le maintien ou le retrait des candidats qualifiés pour le second tour. Avec en résonance le front républicain. Avec les premiers désistements dès le dimanche soir, le RN ne s'attendait pas à autant de désistements, surtout de la part du NFP en faveur d'un candidat macroniste mieux placé pour battre un candidat RN.


    Au contraire de 2002, la stratégie du front républicain contre l'extrême droite ne fonctionnait plus dès 2011. Mais pourquoi cette stratégie semble-t-elle revenir en pleine lumière en 2024 ? Sans doute pour une raison simple : le RN est aux portes du pouvoir, la question est de savoir s'il va avoir une majorité absolue ou pas. Bref, il ne s'agit plus de théorie, il s'agit de savoir si dans quelques jours, Jordan Bardella va s'installer à Matignon, avec son incompétence, son inexpérience, son idéologie puante et surtout, ses troupes qui puent le racisme à plein nez (ça dégouline de partout depuis quelques jours). Bref, il y a péril en la demeure. Mais le péril arrive par les urnes, c'est là la difficulté intellectuelle : les électeurs du RN ne considèrent plus que le RN est un parti extrémiste et pour les plus jeunes, ne savent même pas son origine.
     

     
     


    Un exemple entendu le 1er juillet 2024 à la télévision Bolloré. Débat sur CNews sur la préférence nationale pour un logement social : on vire l'étranger en fin de bail. Laurence Sailliet, députée européenne LR et candidate LR battue (dans la première circonscription de Paris), expliquait (en vain) à Philippe Ballard, réélu député RN de l'Oise dès le premier tour, que ce n'est pas l'étranger qu'il faut virer mais le factieux : un étranger qui respecte tout, paie ses impôts et ne dérange personne devrait avoir les mêmes droits économiques. L'autre n'en démordait pas. Il a dit : on n'est pas brutal, on attend la fin du bail avant de le virer. Puis interview en duplex avec un "philosophe et essayiste" (Tom Benoît), plutôt jeune, accent du midi et de la barbe, qui, comme c'est bizarre !, appuyait Ballard en disant que c'était normal, la préférence nationale... et citait sans rire : "Comme disait Jean-Marie Le Pen je ne sais plus quand, je préfère ma famille à mes cousins, les cousins à mes voisins, mes voisins à mes..." etc., dit comme si Le Pen le vieux était une sorte de grand penseur intouchable. Sur le bandeau rouge, le titre du débat : "La préférence nationale qui fait peur à la gauche". L'animateur agaçant et partial (car ne ponctuant qu'en faveur de Ballard) était Morandini (le trash animateur). Et il rajoute, à force de répéter le titre, "qui fait peur à la gauche et à certains LR" du coup, alors qu'il n'y avait qu'une élue LR pour s'y opposer. Laurence Sailliet a été très bonne pour dire que c'est complètement stupide et que cela ne s'attaque pas aux vrais problème. De plus, ce n'est pas une question de "peur". En outre, Ballard lui a dit : comme ça, vos enfants seront prioritaires sur des étrangers. Voilà ce qu'on peut entendre à longueurs de médias aujourd'hui. Un peu plus tard, sur la même chaîne, j'ai entendu Manon Aubry (FI) parler de bébés morts décapités comme un argument politique. Saleté de débat public, cela fait longtemps qu'il est vicié.

    Contrairement à ce qui est dit, la gauche de Jean-Luc Mélenchon n'est pas plus claire que la majorité présidentielle dans les consignes de désistement au second tour. Ainsi, il était dit que le candidat FI en troisième position se désisterait si le RN était en première position. Mais s'il était en deuxième position, comme dans la circonscription de Gérald Darmanin (dixième circonscription du Nord), il y a risque quand même (Ensemble 36,0% et RN 34,3%). À l'origine, FI voulait maintenir sa candidate qui a fait 24,8%, ce qui ne contrevenait pas à la consigne initiale mais risquait quand même de faire élire un député RN, et puis, finalement, la candidate FI s'est retirée.

    En raison de la forte participation, le premier tour a entraîné la possibilité de 306 triangulaires et de 5 quadrangulaires au second tour. Dans une telle configuration, le candidat arrivé en tête, même s'il n'obtient pas 50% des voix, gagne au second tour. Le RN a alors globalement un avantage puisqu'au niveau national, il fait nettement plus de voix que les autres partis. Sauf si les triangulaires se transforment en des duels grâce au retrait du candidat le moins bien placé.


    Selon un décompte (provisoire) du journal "Le Monde" à 23 heures le lundi 1er juillet 2024, 185 candidats arrivés en troisième position (dont 121 du NFP et 60 de la majorité présidentielle) se sont retirés pour le second tour malgré leur qualification, ce qui ferait qu'il resterait 131 triangulaires et 2 quadrangulaires (il reste presque un jour pour une éventuelle évolution). Assez mécaniquement, même si ce n'est pas systématiquement, à fur et à mesure que les triangulaires deviennent des duels, la perspective d'une majorité absolue de député RN s'éloigne.

    Néanmoins, le risque reste réel, comme l'a répété le Premier Ministre Gabriel Attal invité du journal de 20 heures le lundi 1er juillet 2024 sur TF1 : « Le risque, c’est que le Rassemblement national dispose d’une majorité absolue. Je le dis très sincèrement, du plus profond de mes tripes, ce serait catastrophique pour les Français. ».

    Et un des arguments donné par le NFP, en particulier Marine Tondelier, porte-parole d'EELV, c'est que le choix, pour un électeur modéré, entre un candidat RN et un candidat FI ne devrait pas se faire avec hésitation car il y a une réelle possibilité que le RN soit au pouvoir tandis qu'il serait impossible que le NFP obtienne une majorité absolue de sièges. Donc en votant pour le NFP même si on est opposé à son programme, on ne risquerait rien. C'est un argument pourtant assez stupide donné par des gens de gauche qui croient s'adresser à des électeurs modérés mais qui s'adressent en fait à des gens qui sont déjà convaincus par eux. Cet argument a certes plus de poids après la connaissance des résultats du premier tour qu'avant (il était proposé depuis une ou deux semaines). Mais surtout, c'est une curieuse façon de pratiquer la démocratie : pour assumer le vote, je dois nécessairement me dire que je ne regretterais pas mon vote si celui à qui il est destiné était élu voire avait le pouvoir. Je rappelle que si le vote est libre et secret, il est également sincère.


    On peut voter pour un candidat inconnu au bénéfice du doute. Mais quand on le connaît, on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas. Je prends un exemple : je soutiens totalement la décision du porte-parole de Renaissance Loïc Signor, candidat Ensemble de la troisième circonscription du Val-de-Marne, arrivé en troisième position avec 23,8% derrière Louis Boyard (FI) à 42,2% et le candidat soutenu par le RN à 27,3%. D'une part, la configuration donne peu de risque de faire élire le candidat RN ; d'autre part, obliger les électeurs qui ont voté pour vous à choisir entre le RN et Louis Boyard relève du sacrifice démocratique !

    C'est surtout que les consignes de vote et les arguments de vote agacent particulièrement les électeurs qui s'en trouvent infantilisés alors qu'ils sont capables de réfléchir par eux-mêmes et en conscience sur le meilleur choix pour la France. Le risque est de dire aux électeurs modérés qu'il n'y a plus de choix qu'entre deux extrémismes, l'un de gauche et l'autre de droite.

    C'est d'ailleurs le filon argumentaire de Jordan Bardella pour riposter à ces désistements. Premier argument : c'est dire que c'est de la cuisine politicienne pour sauver ses places et ce n'est pas pour l'intérêt de la France (je pense que l'objectif d'empêcher le RN de gouverner me paraît au contraire de l'intérêt supérieur de la France). Second argument : voter RN serait la garantie de ne pas avoir les insoumis au gouvernement (là encore, c'est stupide, l'hypothèse d'un gouvernement insoumis dans quelques jours est exclue).

    Ainsi, Jordan Bardella a demandé à Jean-Luc Mélenchon de débattre avec lui. Un moyen de bien insister que Jean-Luc Mélenchon à Matignon était la seule autre possibilité que lui-même à Matignon. Et le gourou des insoumis ne l'a pas démenti puisqu'il a confirmé que les insoumis étaient les maîtres du NFP mais qu'il faudrait demander à Manuel Bompard ou à Mathilde Panot pour débattre. Marine Tondelier, elle, s'est portée candidate en insistant pour dire que c'était son tour, le tour d'une femme et le tour d'une écologiste.

    Le NFP est-il vraiment Mélenchon ? Cela arrangerait Jordan Bardella et malheureusement, c'est pourtant la réalité. Il suffit de regarder la nature des candidats de gauche élus dès le premier tour : en général, des FI canal Mélenchon parce que ce parti s'est réservé les meilleures circonscriptions (à Paris, Seine-Saint-Denis et Petite Couronne, Bouches-du-Rhône, etc.). Pas étonnant que les insoumis soient le groupe prédominant au sein du NFP (même Olivier Faure a été réélu grâce à FI).

    Ses déclarations le soir du 30 juin 2024 n'ont d'ailleurs pas de quoi rassurer les électeurs modérés : il a parlé place de la République aux côtés de Manuel Bompard, Mathilde Panot, Olivier Besancenot et surtout Rima Hassan habillée d'une manière telle qu'il a bien fait comprendre que son combat pour importer le conflit israélo-palestinien en France est toujours d'actualité.

    Cela dit, ce qui m'agace le plus dans les médias depuis le début de cette campagne, c'est de considérer pour acquis que la France est en ruine, dans un triste état alors que c'est absolument faux, et ce qui m'interroge, c'est que les candidats Ensemble eux-mêmes laissent ce genre de propos se dire sans y apporter la contradiction. C'est aussi l'interrogation du chroniqueur Éric Le Boucher dans "Les Échos" le 27 juin 2024 : « On en arrive à ces législatives folles où l'on a écarté les vrais sujets de l'Ukraine, du climat, des technologies, de la croissance, de la Chine, pour se focaliser sur les faux que sont le pouvoir d'achat, la retraite ou l'insécurité. ». En particulier sur les retraites : « C'est le mensonge national absolu : faire croire qu'on peut distribuer plus sans travailler plus. ». Le journaliste s'en est pris aux médias : « Le défaitisme général ne l'aurait pas emporté si les médias traditionnels ne l'avaient pas relayé. En mal d'audience, refusant de prendre du recul et de donner le contexte, ayant inventé le "décryptage" pour mieux noyer le poisson et s'étant laissé avaler par l'idéologie populiste, ils sont devenus les premiers artisans du mensonge. » (j'y reviendrai peut-être).



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    Sylvain Rakotoarison (01er juillet 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     






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  • Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour

    « Face au Rassemblement national, l'heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour. (…) La participation élevée au premier tour (…) témoigne de l'importance de ce vote pour tous nos compatriotes et de la volonté de clarifier la situation politique. Leur choix démocratique nous oblige. » (Emmanuel Macron, le 30 juin 2024 vers 20 heures).



     

     
     


    Inutile de tourner autour du pot : jamais ce premier tour d'élections législatives n'a été accompagné d'autant d'inquiétude pour l'avenir du pays. Et le sursaut de participation que nous avons constaté ce dimanche 30 juin 2024 a montré que les Français dans leur ensemble ont considéré qu'ils vivaient un de ces instants cruciaux de leur histoire politique. 66,7% de participation. Par rapport à juin 2022, c'est 19,2 points de plus.

    Et la question fondamentale reste la suivante : à qui cette sur-participation a-t-elle profité ? La réponse pourrait paraître décevante et c'est bien là le problème français du moment : ce sursaut de population a profité aux trois blocs, au RN bien sûr qui a su agréger beaucoup de votes d'adhésion et d'espoir populaire, à la nouvelle farce populaire sur fond de front anti-RN mais aussi de nouvel espoir à gauche comme son nom voudrait le faire croire, et enfin, à un sursaut de l'électorat macroniste et plus généralement du bloc central.

    Le résultat est décevant car tous ces blocs ont des raisons d'être déçus : le RN parce que sa mobilisation, si elle est réelle, n'est pas suffisante pour espérer à coup sûr d'être le grand gagnant du second tour ; le NFP qui a démontré qu'à gauche, ils ne seraient jamais majoritaires ; et puis quand même dans la majorité présidentielle dont la Bérézina annoncée commence à esquisser ses contours de réalité électorale.

    Les résultats en suffrages exprimés correspondent grosso modo aux estimations des sondages : selon des résultats officiels non définitifs, le RN et alliés seraient à 33,1%, NFP à 28,0%, Ensemble à 20,0% et LR et DIV à 10,2%. Lorsque j'écris "LR", je n'inclus pas LR canal Éric Ciotti même si ce dernier peut espérer faire élire plus de députés que LR canal historique qui n'a pas pu présenter ses candidats avec l'étiquette spécifiquement LR (en général, ils sont répertoriés par DVD, divers droite).

    On pourrait dire, bien sûr, que le RN serait un peu moins élevé que les dernières estimations proches de 36%, ou encore que si l'on prend la pompe aspirante de l'élan, il faudrait additionner des élections européennes du 9 juin 2024, pour comparaison, le score de liste de Jordan Bardella, celui de Marion Maréchal, et une partie de celui de François-Xavier Bellamy (l'addition donnerait 38-40%, beaucoup plus que les 33,1%). Mais il reste que pour un parti, en général, un tel score est très important et très imposant et la perspective tant d'une majorité absolue de sièges détenus par le RN que d'un gouvernement RN dirigé par Jordan Bardella est très loin d'être exclue. En siège, le RN a déjà gagné, dès ce premier tour, au moins 37 sièges (dont Marine Le Pen, Sébastien Chenu, Philippe Mallard, etc.). Dans de nombreuses circonscriptions, le candidat RN a flirté parfois les 48-49% et serait quasiment sûr d'être réélu au second tour. Les candidats ciottistes ont fait de belles performances, Éric Ciotti semblerait en bonne position pour sa réélection au second tour, ainsi que le président des jeunes LR qui l'a suivi dans cette folle trahison du ralliement pur et simple au RN. En revanche, l'effet de siphonnage du RN a fait que les candidats de l'ancien candidat Éric Zemmour ont été laminés au point de ne recueillir qu'environ 1%.

    Quant à LR canal historique, le départ d'Éric Ciotti a bénéficié aux restants qui ont fait nettement mieux que la liste LR aux élections européennes.

    On pourrait s'amuser à additionner le RN et le NFP, comme l'a fait imprudemment Yves Thréard sur LCP, pour en conclure que ce premier tour était un référendum anti-Macron et que 62% des Français avaient prononcé un non cinglant au Président de la République. Mais doit-on nécessairement additionner des torchons et des serviettes ?

    Car d'autres, en particulier la gauche désunie, voudraient faire maintenant du second tour un référendum pour ou contre Jordan Bardella, lui assurant par là même une position de favori qui l'aiderait beaucoup dans cette progressive acceptation d'un désir autoréalisateur.

    À mon sens, il faudrait plutôt additionner les scores d'Ensemble pour la République et de LR, ce qui fait autour de 30%, soit supérieur au NFP mais inférieur au RN. Cela a un sens même si LR ne voudrait pas trop se mélanger avec les macronistes, car la réalité sur le terrain, c'est que LR et Ensemble ont très peu mis des candidatures concurrentes les unes contre les autres et quand c'est le cas, c'étaient des exceptions comme dans la cinquième circonscription de l'Essonne où le danger d'une élimination des deux au second tour était clairement absent. Ainsi, dans la cinquième circonscription des Yvelines, le Président du Sénat Gérard Larcher a clairement apporté son soutien, dès le premier tour, à Yaël Braun-Pivet, la Présidente de l'Assemblée Nationale sortante, un soutien gagnant puisqu'elle a recueilli 42,8% alors qu'elle avait face à elle un candidat NFP qui a fait 27,2% et l'ancien député LR Jacques Myard soutenu par le RN et qui a fait 22,9%.

    En raisonnant ainsi, en considérant le bloc central comme l'addition d'Ensemble et de LR, on se retrouve avec trois gros blocs à peu près d'égales audiences électorales, s'accaparant l'ensemble de l'éventail électoral (entre 90 et 95% des voix) et dont les différences, selon les circonscriptions, avantageront l'un ou un autre. L'exemple de la quatrième circonscription de l'Essonne est très frappant à cet égard : la candidate Ensemble a obtenu 33,9% des voix, le candidat RN 31,0% et le candidat NFP 30,8% : aucune réserve de voix pour aucun des candidats et chaque candidat "se vaut" autour de 30-33%.

    Cette tripolisation du paysage politique n'est pas nouvelle et s'est déjà déclaré à l'élection présidentielle de 2022 où les trois candidats Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon représentaient la grande part de l'électorat avec chacun entre 20 et 30% des voix. Dans certaines circonscriptions, on voit des résultats très tripolaires parfois presque d'égale amplitude, autour de 30% chacun. Et comme je l'ai écrit pour le bloc central, ce dernier est supérieur en voix au NFP et avec l'hypothèse d'un report de voix, cela signifie que le nombre de sièges pour le NFP pourrait être équivalent à celui de sièges pour le bloc central au second tour.

    Je reviens sur la mobilisation : les Français se sont mobilisés pour aller voter, mais pour ne voter que pour les trois pôles présentés ainsi, au détriment de tous les autres. Selon la sociologie des circonscriptions, ils ont donc privilégié parfois l'un ou l'autre des pôles.

    Dans les résultats, il faut évoquer les candidatures pour le second tour. Un candidat peut se maintenir si et seulement s'il obtient au moins 12,5% des inscrits, soit, selon la participation, environ 18% des suffrages exprimés pour une participation à 70%. Quant à son élection dès le premier tour, il faut que le candidat obtienne bien sûr au moins 50% des suffrages exprimés, mais également 25% des inscrits, ce qui est forcément obtenu avec une participation supérieure à 50%.

    Ainsi, il y aurait environ 300 circonscriptions où trois candidats pourraient se maintenir au second tour, ce qu'on appelle des triangulaires. Bien entendu, dans une telle configuration, le candidat ayant obtenu le score le plus élevé au second tour est élu, même s'il obtient moins de 50%. Avec un RN en tête avec 34%, globalement, le RN est favorisé par les triangulaires et l'idée d'un front anti-RN, c'est d'abord de retirer des candidats qui ne pourraient pas gagner et qui empêcheraient l'autre candidat non-RN de battre le troisième candidat RN, en évitant la déperdition des voix. Cela dans un raisonnement logique qui est parfois violé par le comportement électoral qui peut surprendre.

    Les réactions ? Du côté RN, l'affaire n'est pas encore acquise et l'effort de mobilisation va se faire pendant toute cette semaine. Au moins, il n'y a pas de discussion, tous les candidats qui peuvent se maintenir au second tour se maintiendront, ce qui en fait beaucoup, même certains qui n'ont quasiment pas fait campagne, ni participé à aucune réunion publique, ni même imprimé d'affiche pour les panneaux officiels.

    Emmanuel Macron a surpris tout le monde en publiant un communiqué très vite après la fermeture des derniers bureaux de vote. Quand ce dernier a donné son intention de publier un communiqué, l'éditorialiste Ruth Elkrief a eu peur d'une nouvelle décision présidentielle comme la dissolution ! Le contenu de son message était d'en appeler sans ambiguïté au rassemblement des démocrates et des républicains contre le RN, mais sans préciser par quel moyen. Deux heures plus tard, le Premier Ministre Gabriel Attal a été plus clair en refusant activement toute candidature RN.

    À gauche, la situation est moins claire. Certes, le PS, le PCF et EELV ont toujours été clairs sur le désistement du candidat le moins bien placé pour battre le candidat RN dans une triangulaire, mais FI est beaucoup plus vague même si le barrage au RN est de rigueur. Ce qui est beaucoup moins clair, c'est ce meeting place de la République à Paris où se sont exprimés dans la soirée d'abord Marine Tondelier, la porte-parole d'EELV, puis Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, réélu dès le premier tour, puis Jean-Luc Mélenchon qui était entouré de Manuel Bompard, réélu dès le premier tour, Mathilde Panot et... Rima Hassan et même Olivier Besancenot, prouvant définitivement que le NFP était effectivement piloté par les insoumis de Jean-Luc Mélenchon (ce qui était bien mal venu pour éviter d'inquiéter un électorat modéré encouragé à voter pour le NFP contre le RN).

    Si le désistement automatique paraît être une mécanique bien huilée à gauche, elle est beaucoup moins évidente pour le bloc central. Pourquoi ? Déjà parce que LR n'a donné aucune consigne ni de désistement, ni de vote et laisse les locaux évaluer les situations, sachant qu'une part de son électorat préfère le RN au NFP. Pour la majorité présidentielle, il n'est plus question du ni-ni mais bien d'éviter une majorité absolue de députés RN. Pour cela, cependant, il paraît opportun de ne pas fixer une règle trop générale, à savoir dans les triangulaires, faire désister le candidat Ensemble dans le cas où il est le moins bien placé pour battre le RN.

    D'une part, en effet, il y a le cas où le candidat RN au second tour a peu de chance d'être élu car loin de la première place et dans ce cas-là, il est plus pertinent de laisser les électeurs s'exprimer selon leurs tendances politiques. D'autre part, il existe des cas où l'écart entre le candidat NFP et le candidat Ensemble est très faible en voix, et où, même moins bien placé, le candidat Ensemble aurait une réserve de voix avec un candidat LR qui le mettrait en situation de mieux battre le candidat RN que le candidat NFP. Bref, toutes ces situations s'apprécient précisément et de manière pragmatique pour éviter qu'il y ait aussi le seul choix du RN ou d'un front anti-RN qui, s'il permettrait d'être efficace aujourd'hui, serait probablement désastreux demain.

    Je vais prendre quelques exemples. Dans la septième circonscription de l'Essonne, Robin Reda, ancien député LR de 2017 élu député macroniste en 2022, n'est arrivé qu'en deuxième position avec 32,3% derrière la candidate NFP 38,1%, et la candidate RN est en troisième position avec 25,5%. A priori, le maintien des deux candidats Ensemble et NFP n'entraînerait pas l'élection de la candidate RN et leur maintien permettrait à leur électorat respectif de ne pas se déjuger, même si la réélection de Robin Reda paraît compromise. Idem dans la première circonscription de l'Essonne (l'ancienne de Manuel Valls) où la députée FI sortante Farida Amrani a obtenu 43,1% devant Stéphane Beaudet, le maire ex-LR d'Évry-Courcouronnes 31,7% et le candidat RN n'a recueilli que 21,7%. Idem dans deuxième circonscription de Meurthe-et-Moselle où le maire PS de Vandœuvre-lès-Nancy Stéphane Hablot a obtenu 39,9% devant le député Ensemble sortant Emmanuel Lacresse 30,7% et la candidate RN 22,4%. Il en est encore de même dans la première circonscription de l'Isère où l'ancien ministre Olivier Véran est en ballottage très défavorable avec 32,6% derrière le candidat NFP 40,2% et devant le candidat RN 18,3%. Dans la cinquième circonscription de Loire-Atlantique, il n'y a pas de raison non plus pour que la ministre Sarah El Haïry, arrivée deuxième avec 36,1% s'efface derrière le candidat NFP 37,7% alors que le candidat RN n'a que 24,7%.

    Dans la septième circonscription des Yvelines (l'ancienne de Michel Rocard), la députée sortante Ensemble Nadia Hai n'est qu'en deuxième place avec 29,3% derrière l'ancien ministre Aurélien Rousseau (devenu candidat NFP) 34,7% et devant la candidate RN Babette de Rozières 25,8%. Elle pourrait donc s'effacer derrière le candidat NFP, mais elle pourrait bénéficier aussi des réserves de voix avec un candidat LR qui a obtenu 7,6%. En revanche, dans la première circonscription de la Somme, la candidate Ensemble avec 22,7% s'est désisté en faveur du député FI sortant en ballottage défavorable François Ruffin avec 33,9% derrière la candidate RN 40,7%. Il faudra donc bien observer l'efficacité des reports de voix d'Ensemble vers FI pour faire barrage au RN.

    Il est parfois politiquement heureux qu'un candidat n'obtienne pas le droit de se maintenir au second tour, car cela lui évite de devoir se désister en faveur d'un candidat qui lui est politiquement très éloigné pour faire barrage au RN. Ainsi, dans la troisième circonscription du Lot-et-Garonne, la députée RN sortante Annick Cousin est arrivée en tête avec 41,1% devant le candidat LR 25,0% et le troisième candidat FI n'a pas obtenu la qualification au second tour avec seulement 18,4% (le quatrième candidat est un ancien ministre condamné, voir ci-dessous dans les battus). C'est le cas aussi de la première circonscription de l'Aude où Philippe Poutou est qualifié de justesse pour le second tour avec 18,7% (12,57% des inscrits !) derrière le député RN sortant Christophe Barthès qui a raté de peu sa réélection avec 49,3% tandis que le candidat Ensemble, n'ayant obtenu que 16,9% (11,3% des inscrits), n'aura pas à devoir se désister pour le candidat du NPA.

    La candidate NFP qui a obtenu 24,1% dans la septième circonscription de Loire-Atlantique, a annoncé son désistement en faveur de la députée sortante Ensemble Sandrine Josso 28,5% en position très incertaine face au candidat soutenu par le RN, ancien député UMP (entre 1993 et 2012) Michel Hunault, 28,2% (il avait obtenu 0,9% dans une autre circonscription lors d'une élection législative partielle en mars 2018 !). Dans la quatrième circonscription de la Vienne, le député MoDem sortant Nicolas Turquois se retrouverait en ballottage défavorable avec 32,1% face à la candidate RN 41,0% même si le candidat NFP avec 21,1% se désistait. En revanche, cela va être difficile au député LR sortant Francis Dubois, arrivé en troisième position dans la première circonscription de la Corrèze, qui peut se maintenir au second tour avec 28,6%, de se désister pour l'ancien Président de la République François Hollande qui a été bombardé à la première place avec 37,6% devant la candidate RN 30,9%.

    Autre circonscription symbole, la première des Alpes-Maritimes où le député sortant Éric Ciotti, avec le soutien de RN, a obtenu 41,0% et aurait en principe deux concurrents, le candidat NFP 26,6% et le candidat Ensemble 22,8% qui pourrait se désister pour tenter de battre Éric Ciotti. LR avait investi un autre candidat LR contre l'encore président de LR mais n'a obtenu que 5,8%.

    Dans la huitième circonscription de l'Essonne, la situation reste très incertaine : Nicolas Dupont-Aignan, soutenu par le RN, n'est qu'en deuxième position avec 33,0% derrière le candidat NFP 34,4% et devant le président du conseil départemental de l'Essonne François Durovray ex-LR 27,4% qui a bénéficié de l'absence de candidat Ensemble. Dans le même département, dans la sixième circonscription de l'Essonne (l'ancienne d'Amélie de Montchalin), c'est le député sortant PS Jérôme Guedj qui a bénéficié de l'absence de candidat Ensemble, ce qui lui a permis d'arriver en tête avec 34,1%, soutenu par le NFP mais il a refusé cette étiquette, devant la candidate RN 24,0% et la candidate dissidente insoumise 20,2% qui devrait se désister (LR avait investi une candidate qui n'a obtenu que 16,7% soit 11,4% des inscrits).

    Parmi les candidats battus dès le premier tour, on peut citer notamment Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, l'ancien ministre Clément Beaune, Jérôme Cahuzac, Arnaud Dassier, Rachel-Flore Pardo, Pierre-Louis Giscard d'Estaing, Yann Wehrling, Pierre-Yves Bournazel, Damien Abad, etc.

    Parmi les candidats élus dès le premier tour, il y a entre autres Philippe Juvin, bénéficiant d'une absence de concurrent Ensemble, Clémentine Autain, Marine Le Pen, Sébastien Chenu, Manuel Bompard, Bastien Lachaud, Olivier Faure, Philippe Ballard, Pouria Amirshahi, Danièle Obono, Sandrine Rousseau, Sophia Chikirou, Eva Sas, Emmanuel Grégoire, Aymeric Caron, etc. En tout, 76 candidats ont été élus dès le premier tour : 39 RN, 32 NFP, 2 Ensemble et 3 LR et DVD.

    En ballottage favorable : le Premier Ministre Gabriel Attal, le ministre Stéphane Séjourné, la ministre Marie Lebec, le ministre Jean-Noël Barrot, l'ancien ministre Stéphane Travert, Éric Ciotti, Yaël Braun-Pivet, François Hollande, Jérôme Guedj, Laurent Wauquiez, Alexis Corbière, Sylvain Maillard, Olivia Grégoire, David Amiel, Benjamin Haddad, Danielle Simonnet, Ugo Bernalicis, Rachel Kéké, etc.

    En ballottage défavorable ou difficile : Charles de Courson, la ministre Marie Guévenoux, Sarah El Haïry, Robin Reda, Stéphane Beaudet, François Ruffin, François Durovray, Aude Lagarde, Raquel Garrido, Frédéric Valletoux, Aude Luquet, Gilles Le Gendre, Philippe Poutou, Maud Gatel, Sébastien Huyghe, Victor Habert-Dassault, Éric Woerth, Vincent Jeanbrun, etc.

    En ballottage très incertain : Gérald Darmanin, Élisabeth Borne, Stanislas Guérini, Nicolas Dupont-Aignan, Jérôme Sainte-Marie, etc.

    Ce qui est sûr, c'est qu'en cas d'efficacité du barrage contre le RN, il n'existera pas au sein de l'hémicycle de majorité homogène. Imaginer un gouvernement de François Ruffin à Jean-François Copé est une tournure d'esprit assez compliqué, et certainement plus compliqué que la situation de juin 2022 à juin 2024 : dans tous les cas, la dissolution n'aura pas permis d'améliorer la situation parlementaire et ne fait qu'accroître le bazar dans le meilleur des cas.

    La mobilisation des électeurs RN restera très élevée au second tour parce qu'ils y voient une occasion historique de conquérir le pouvoir. Mais la mobilisation des autres électorats (NFP et Ensemble) est en revanche moins évidente pour ce second tour dans la mesure où les désistements vont parfois décourager les électeurs des candidats éclipsés de se rendre aux urnes. Et cela sans compter que c'est le première week-end des vacances scolaires, ce qui peut expliquer le grand nombre de procurations.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (30 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240630-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-13-fortes-255523

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/30/article-sr-20240630-legislatives.html




     

  • Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !

    « Je trouve que c'est assez frappant d'entendre "on n'a jamais essayé". On a essayé. (…) Regardez Perpignan. Regardez la première décision de Louis Aliot quand il a été nommé maire, c'est d'augmenter de 17%. (…) "Femme actuelle" (…) : classement des cinquante villes où il fait bon ou mauvais de vivre en France quand on est une femme. Quelle est la cinquantième ville sur cinquante ? Perpignan. Plus de financement d'associations féministes, l'insécurité qui explose. Mantes-la-ville, c'était pareil, 10% d'augmentation pour le maire. Fréjus. David Rachline : une enquête ouverte pour corruption, pour des marchés publics truqués (…). Je veux juste dire : on a essayé, il y a des villes Fréjus, Perpignan, regardez le bilan et lisez les programmes, projetez-vous dans l'après. Ce n'est pas le ni-ni, le non-non qui compte, c'est ce que les politiques vont faire pour vous ou contre vous ! » (Olivia Grégoire, le 27 juin 2024 sur BFMTV).




     

     
     


    Ce qu'a raconté la ministre Olivia Grégoire ce jeudi matin avait du sens : tenter de se projeter dans l'avenir avec les programmes des uns et des autres. Mais elle donnait des arguments de raison là où le rejet du Président Emmanuel Macron est de l'ordre de l'émotion. Même les plus aptes, parmi les LR modérés, à soutenir la politique du gouvernement, ils rejettent la méthode beaucoup trop autoritaire du Président de la République.

    Pour ce dernier jour de campagne des élections législatives, la situation semble bloquée dans les sondages sur "presque" une majorité absolue pour le RN. C'est le "presque" qui fait tout et qui ne fait rien. Y aura-t-il une autre majorité, alternative, une impossible majorité ?

    Malgré les sondages, jamais la situation n'a été aussi inquiétante pour les Français, qui ressentent à plus de 80% dans les sondages un réel malaise depuis la dissolution, un malaise du même ordre que lors du premier confinement contre le covid-19. Où nous emmène-t-elle donc, cette dissolution ? Vers un cauchemar où il faudrait choisir en gros entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ? Ce cauchemar que j'avais craint faire en 2017 et en 2022.

    Ce qui est clair, et les instituts de sondage l'ont repéré aussi, c'est qu'il y aura une forte participation le 30 juin 2024 : au moins les deux tiers des inscrits (au lieu de moins que la moitié il y a deux ans). Cela rejoint la participation des dernières élections législatives non couplées avec une élection présidentielle, à savoir 1997. D'autres petits signes le confirment. Ainsi, 410 000 Français de l'étranger ont déjà voté en deux jours depuis mercredi, au lieu des 250 000 au total aux dernières élections. Le site Internet a même été saturé par la trop forte demande. Les procurations, qui se font plus facilement maintenant, ont explosé, cinq fois plus qu'en juin 2022, avec au soir du 26 juin 2024, « 2 124 918 millions » de procurations délivrées (retirez le mot "millions" et vous corrigerez l'amusante erreur de LCI).

    À qui la participation va-t-elle profiter ? A priori, à tous les candidats, à tous les camps. Toutes les catégories sociales envisagent de participer plus, les jeunes, les moins jeunes, les ouvriers, les cadres supérieurs, les retraités, etc. C'est clair que ces élections éclair sont considérées comme cruciales. Avec toujours cette petite rancœur contre celui qui les a imposées. Elles sont l'occasion de retour de vieilles connaissances comme Jean Myard (gaulliste outrageusement soutenu par le RN), Dominique Voynet, François Hollande, etc. Certains autres se démasquent comme Jérôme Sainte-Marie qui est candidat RN après avoir vaguement fait semblant d'être un politologue sondagier sur les plateaux de télévision pendant des années.

    Le dernier débat qui a fait intervenir Gabriel Attal, Jordan Bardella et Olivier Faure le jeudi 27 juin 2024 sur France 2 (qu'on peut revoir à la fin de cet article) n'apporte pas beaucoup d'éléments nouveaux et ne fera probablement pas changer les lignes. Après Jean-Marc Ayrault la première semaine, Martine Aubry, maire de Lille, depuis sa mairie, s'est exprimée ce 27 juin 2024 pour soutenir les candidats de la nouvelle farce populaire. Cependant, ces socialistes dont je ne doute pas de la sincérité n'ont pas compris qu'en s'alliant avec France insoumise, ils se sont interdit le vaste front républicain qu'ils réclamaient face au RN.

    Je m'arrêterai à ces deux points-là : France insoumise considérée comme l'extrême gauche et le ressentiment contre Emmanuel Macron. Au-delà du fait que FI a donné son investiture entre autres à Philippe Poutou, qui est du NPA, le comportement des insoumis a de quoi s'inquiéter.

     

     
     


    Au cours d'une réunion publique qui avait invité successivement tous les candidats de ma circonscription (cinq sont venus sur les huit), j'étais intéressé par la réponse des deux questions de la salle en rapport avec ces deux sujets, du député sortant Paul Midy, candidat à sa succession.

    La première question était : pourquoi, vous, la majorité présidentielle, considérez que les insoumis sont d'extrême gauche alors que le Conseil d'État ne les considèrent pas comme tels ? Paul Midy a répondu ainsi : le Conseil d'État donne une réponse juridique et pas politique mais lui-même considère en effet que les insoumis sont des extrémistes et des populistes : « Je les qualifie de force extrémiste populiste ». Pour trois raisons.

    La première raison : les dépassements fréquents de nombreuses lignes rouges. Quelques exemples : quand Jean-Luc Mélenchon a parlé de « camper » pour Yaël Braun-Pivet dont le nom est d'origine juive, l'allusion était très claire et volontaire. Idem pour Mathilde Panot qui a parlé de « rescapée » pour la Première Ministre Élisabeth Borne qui a eu de la famille rescapée des camps, c'est pareil, c'était dit intentionnellement, ce n'était pas une maladresse mais dit en conscience. Le soutien à Sainte-Soline avant, pendant et après les manifestations très violentes étaient des soutiens clairs des actes de guerre et des appels à la violence.

    La deuxième raison : Jean-Luc Mélenchon s'appuie sur la remise en cause des institutions par la violence. Notamment dans l'hémicycle. Paul Midy a eu cette formule : « On bosse tous les jours en open space ! » (dans l'hémicycle). Les insoumis sont des gens intelligents, tout cela est conscientisé, voulu. Cette violence n'est pas une manière d'exercer sereinement la démocratie. France insoumise a aussi investi un candidat fiché S. Ce n'est pas une erreur des services de renseignement. Le candidat a été fiché S parce qu'il préside un groupe, Jeune garde, qui serait antifasciste. Mais Paul Midy, qui fut directeur général de LREM, a connu des personnes de son équipe, appartenant aux Jeunes avec Macron, qui ont été tabassés par ce groupe très violent Jeune garde. FI choisit la méthode de la violence.


    La troisième et dernière raison : le programme du NFP est ouvertement populiste. Il n'est pas fait pour être le meilleur programme pour la France, non. Il est simplement fait d'une liste de promesses, juste pour faire plaisir aux électeurs, sans considération de l'intérêt général.

    Pour ma part, je reste encore sidéré que les autres partis de gauche (PS, PCF, EELV) aient accepté, en deux jours, de se lier ainsi tant électoralement que programmatiquement avec un tel parti extrémiste. Ce sera sans doute une grande énigme politique (dans ces élections, il y en a d'autres qui seront aussi analysées encore dans quelques décennies dans les livres de sciences politiques).
     

     
     


    L'autre question très pertinente posée à Paul Midy, elle l'a été par un ancien électeur d'Emmanuel Macron de 2017 qui semble être déçu (je ne suis pas sûr de son vote actuel) : selon vous, qu'est-ce qui a cloché avec Emmanuel Macron depuis sept ans ? Paul Midy a répondu deux choses : d'abord, ils n'ont pas été crédibles sur la transition écologique, ce qu'il a expliqué par une mauvaise communication (mais c'est peut-être plus que cela), les gens ont eu peur, en ont marre et ils n'ont pas su faire embarquer dans ce grand enjeu la plupart des gens ; ensuite, il pense qu'ils ont raté le sujet de l'immigration. Ils avaient une politique équilibrée et raisonnée sur l'immigration, applicable dans le cadre des valeurs républicaines, et ils n'ont pas été compris ou ils n'ont pas convaincu.

    Sa circonscription a beaucoup bougé politiquement, a souvent alterné, dans le passé, entre un député UMP et un député PS, et en 2022, Paul Midy a conquis la circonscription face au député sortant avec 18 voix seulement d'écart (sur 68 469 inscrits !). Comme il s'est pas mal démené pour l'innovation, la recherche et le financement des jeunes entreprises (jusqu'à créer 50 000 emplois), partisan du plein emploi qui changera fondamentalement les rapports entre les employeurs et les employés, et apportera des ressources supplémentaires pour l'école, la santé, l'armée, etc., il pourrait croire que les électeurs lui en seraient reconnaissants. Toutefois, les élections législatives suivent souvent des lois politiques particulièrement déchirantes pour les hommes et les femmes en quête de réélection, en particulier lui qui assume totalement son soutien à Emmanuel Macron dont la photographie est sur ses documents de campagne (au contraire d'autres collègues), aux côtés de Gabriel Attal et de son prédécesseur Édouard Philippe.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Paul Midy.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240627-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-12-un-isoloir-ce-255464

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/27/article-sr-20240627-legislatives.html




     

  • Paul Midy explique pourquoi les insoumis sont une force extrémiste et populiste

    « Je trouve que c'est assez frappant d'entendre "on n'a jamais essayé". On a essayé. (…) Regardez Perpignan. Regardez la première décision de Louis Aliot quand il a été nommé maire, c'est d'augmenter de 17%. (…) "Femme actuelle" (…) : classement des cinquante villes où il fait bon ou mauvais de vivre en France quand on est une femme. Quelle est la cinquantième ville sur cinquante ? Perpignan. Plus de financement d'associations féministes, l'insécurité qui explose. Mantes-la-ville, c'était pareil, 10% d'augmentation pour le maire. Fréjus. David Rachline : une enquête ouverte pour corruption, pour des marchés publics truqués (…). Je veux juste dire : on a essayé, il y a des villes Fréjus, Perpignan, regardez le bilan et lisez les programmes, projetez-vous dans l'après. Ce n'est pas le ni-ni, le non-non qui compte, c'est ce que les politiques vont faire pour vous ou contre vous ! » (Olivia Grégoire, le 27 juin 2024 sur BFMTV).




     

     
     


    Ce qu'a raconté la ministre Olivia Grégoire ce jeudi matin avait du sens : tenter de se projeter dans l'avenir avec les programmes des uns et des autres. Mais elle donnait des arguments de raison là où le rejet du Président Emmanuel Macron est de l'ordre de l'émotion. Même les plus aptes, parmi les LR modérés, à soutenir la politique du gouvernement, ils rejettent la méthode beaucoup trop autoritaire du Président de la République.

    Pour ce dernier jour de campagne des élections législatives, la situation semble bloquée dans les sondages sur "presque" une majorité absolue pour le RN. C'est le "presque" qui fait tout et qui ne fait rien. Y aura-t-il une autre majorité, alternative, une impossible majorité ?

    Malgré les sondages, jamais la situation n'a été aussi inquiétante pour les Français, qui ressentent à plus de 80% dans les sondages un réel malaise depuis la dissolution, un malaise du même ordre que lors du premier confinement contre le covid-19. Où nous emmène-t-elle donc, cette dissolution ? Vers un cauchemar où il faudrait choisir en gros entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ? Ce cauchemar que j'avais craint faire en 2017 et en 2022.

    Ce qui est clair, et les instituts de sondage l'ont repéré aussi, c'est qu'il y aura une forte participation le 30 juin 2024 : au moins les deux tiers des inscrits (au lieu de moins que la moitié il y a deux ans). Cela rejoint la participation des dernières élections législatives non couplées avec une élection présidentielle, à savoir 1997. D'autres petits signes le confirment. Ainsi, 410 000 Français de l'étranger ont déjà voté en deux jours depuis mercredi, au lieu des 250 000 au total aux dernières élections. Le site Internet a même été saturé par la trop forte demande. Les procurations, qui se font plus facilement maintenant, ont explosé, cinq fois plus qu'en juin 2022, avec au soir du 26 juin 2024, « 2 124 918 millions » de procurations délivrées (retirez le mot "millions" et vous corrigerez l'amusante erreur de LCI).

    À qui la participation va-t-elle profiter ? A priori, à tous les candidats, à tous les camps. Toutes les catégories sociales envisagent de participer plus, les jeunes, les moins jeunes, les ouvriers, les cadres supérieurs, les retraités, etc. C'est clair que ces élections éclair sont considérées comme cruciales. Avec toujours cette petite rancœur contre celui qui les a imposées. Elles sont l'occasion de retour de vieilles connaissances comme Jean Myard (gaulliste outrageusement soutenu par le RN), Dominique Voynet, François Hollande, etc. Certains autres se démasquent comme Jérôme Sainte-Marie qui est candidat RN après avoir vaguement fait semblant d'être un politologue sondagier sur les plateaux de télévision pendant des années.

    Le dernier débat qui a fait intervenir Gabriel Attal, Jordan Bardella et Olivier Faure le jeudi 27 juin 2024 sur France 2 (qu'on peut revoir à la fin de cet article) n'apporte pas beaucoup d'éléments nouveaux et ne fera probablement pas changer les lignes. Après Jean-Marc Ayrault la première semaine, Martine Aubry, maire de Lille, depuis sa mairie, s'est exprimée ce 27 juin 2024 pour soutenir les candidats de la nouvelle farce populaire. Cependant, ces socialistes dont je ne doute pas de la sincérité n'ont pas compris qu'en s'alliant avec France insoumise, ils se sont interdit le vaste front républicain qu'ils réclamaient face au RN.


     

     
     


    Je m'arrêterai à ces deux points-là : France insoumise considérée comme l'extrême gauche et le ressentiment contre Emmanuel Macron. Au-delà du fait que FI a donné son investiture entre autres à Philippe Poutou, qui est du NPA, le comportement des insoumis a de quoi s'inquiéter.

    Au cours d'une réunion publique qui avait invité successivement tous les candidats de ma circonscription (cinq sont venus sur les huit), j'étais intéressé par la réponse des deux questions de la salle en rapport avec ces deux sujets, du député sortant Paul Midy, candidat à sa succession.

    La première question était : pourquoi, vous, la majorité présidentielle, considérez que les insoumis sont d'extrême gauche alors que le Conseil d'État ne les considèrent pas comme tels ? Paul Midy a répondu ainsi : le Conseil d'État donne une réponse juridique et pas politique mais lui-même considère en effet que les insoumis sont des extrémistes et des populistes : « Je les qualifie de force extrémiste populiste ». Pour trois raisons.

    La première raison : les dépassements fréquents de nombreuses lignes rouges. Quelques exemples : quand Jean-Luc Mélenchon a parlé de « camper » pour Yaël Braun-Pivet dont le nom est d'origine juive, l'allusion était très claire et volontaire. Idem pour Mathilde Panot qui a parlé de « rescapée » pour la Première Ministre Élisabeth Borne qui a eu de la famille rescapée des camps, c'est pareil, c'était dit intentionnellement, ce n'était pas une maladresse mais dit en conscience. Le soutien à Sainte-Soline avant, pendant et après les manifestations très violentes étaient des soutiens clairs des actes de guerre et des appels à la violence.

    La deuxième raison : Jean-Luc Mélenchon s'appuie sur la remise en cause des institutions par la violence. Notamment dans l'hémicycle. Paul Midy a eu cette formule : « On bosse tous les jours en open space ! » (dans l'hémicycle). Les insoumis sont des gens intelligents, tout cela est conscientisé, voulu. Cette violence n'est pas une manière d'exercer sereinement la démocratie. France insoumise a aussi investi un candidat fiché S. Ce n'est pas une erreur des services de renseignement. Le candidat a été fiché S parce qu'il préside un groupe, Jeune garde, qui serait antifasciste. Mais Paul Midy, qui fut directeur général de LREM, a connu des personnes de son équipe, appartenant aux Jeunes avec Macron, qui ont été tabassés par ce groupe très violent Jeune garde. FI choisit la méthode de la violence.


    La troisième et dernière raison : le programme du NFP est ouvertement populiste. Il n'est pas fait pour être le meilleur programme pour la France, non. Il est simplement fait d'une liste de promesses, juste pour faire plaisir aux électeurs, sans considération de l'intérêt général.

    Pour ma part, je reste encore sidéré que les autres partis de gauche (PS, PCF, EELV) aient accepté, en deux jours, de se lier ainsi tant électoralement que programmatiquement avec un tel parti extrémiste. Ce sera sans doute une grande énigme politique (dans ces élections, il y en a d'autres qui seront aussi analysées encore dans quelques décennies dans les livres de sciences politiques).

     
     


    L'autre question très pertinente posée à Paul Midy, elle l'a été par un ancien électeur d'Emmanuel Macron de 2017 qui semble être déçu (je ne suis pas sûr de son vote actuel) : selon vous, qu'est-ce qui a cloché avec Emmanuel Macron depuis sept ans ? Paul Midy a répondu deux choses : d'abord, ils n'ont pas été crédibles sur la transition écologique, ce qu'il a expliqué par une mauvaise communication (mais c'est peut-être plus que cela), les gens ont eu peur, en ont marre et ils n'ont pas su faire embarquer dans ce grand enjeu la plupart des gens ; ensuite, il pense qu'ils ont raté le sujet de l'immigration. Ils avaient une politique équilibrée et raisonnée sur l'immigration, applicable dans le cadre des valeurs républicaines, et ils n'ont pas été compris ou ils n'ont pas convaincu.

    Sa circonscription a beaucoup bougé politiquement, a souvent alterné, dans le passé, entre un député UMP et un député PS, et en 2022, Paul Midy a conquis la circonscription face au député sortant avec 18 voix seulement d'écart (sur 68 469 inscrits !). Comme il s'est pas mal démené pour l'innovation, la recherche et le financement des jeunes entreprises (jusqu'à créer 50 000 emplois), partisan du plein emploi qui changera fondamentalement les rapports entre les employeurs et les employés, et apportera des ressources supplémentaires pour l'école, la santé, l'armée, etc., il pourrait croire que les électeurs lui en seraient reconnaissants. Toutefois, les élections législatives suivent souvent des lois politiques particulièrement déchirantes pour les hommes et les femmes en quête de réélection, en particulier lui qui assume totalement son soutien à Emmanuel Macron dont la photographie est sur ses documents de campagne (au contraire d'autres collègues), aux côtés de Gabriel Attal et de son prédécesseur Édouard Philippe.


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    Sylvain Rakotoarison (27 juin 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Paul Midy.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240627-paul-midy.html

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  • Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...

    « [Ensemble pour la République] propose de continuer les réformes pour le travail, la réindustrialisation, une écologie des résultats, pour investir dans les services publics sans impôts ni dette supplémentaire et de défendre une laïcité assumée et une autorité restaurée depuis l’école jusqu’à la justice. Elle défend des choix clairs sur Israël et Gaza comme sur l’Ukraine et a bâti depuis sept ans une armée plus forte dont nous aurons doublé le budget. Cette troisième voie est la meilleure pour notre pays. Non seulement parce qu'elle protège les Français et prépare l'avenir. Mais parce qu'elle est la seule à pouvoir à coup sûr faire barrage à l'extrême droite comme à l'extrême gauche au second tour. » (Emmanuel Macron, le 24 juin 2024).




     

     
     


    Il ne reste plus que deux jours de cette très étrange campagne des élections législatives. Il faut le rappeler, les électeurs ne se sont pas encore prononcés pour élire leurs députés mais les sondages semblent dire que c'est déjà fait. Si les tendances des différents courants politiques sont assez bien évaluées par les sondages (qui ne s'étaient pas trompés pour les élections européennes, il faut insister sur ce point), les sondages sont incapables de donner des estimations correctes sur la situation des 577 circonscriptions car ces multiples situations dépendent de la configuration des candidatures qui s'offrent aux électeurs (alliance RN-Ciotti, un candidat ciottiste est différent d'un candidat RN, couleur politique du candidat NFP, présence ou absence de candidat Ensemble ou LR, etc.), de la personnalité des candidats (implantation locale, etc.), et surtout, pour les projections en sièges, des décisions des candidats encore en course entre les deux tours (maintien ou désistement, décisions qui, par définition, ne sont pas encore connues).

    Mais les journalistes dans leur grande majorité et aussi certains responsables politiques font comme si les élections avaient déjà eu lieu. Le premier politique à considérer l'élection acquise, c'est bien sûr le président du RN, Jordan Bardella, et il a bien raison puisque cela a bien marché pour lui : avec son bluff, il avait réclamé la dissolution s'il arrivait nettement en tête aux élections européennes et le Président Emmanuel Macron lui a offert la dissolution sur un plateau d'argent. Depuis le 9 juin 2024, il ne cesse pas d'y aller au bluff en disant qu'il sera le prochain Premier Ministre et que c'est acquis. Le pire, c'est que le petit monde médiatico-politique a tendance à penser de même, plus par commodité intellectuelle et manque d'imagination que par adhésion farouche et ferme au gendre du clan Le Pen.

    Alors, évidemment, l'idéologie ou la tradition politique des uns ou des autres y sont pour quelque chose. Beaucoup de journalistes sont de gauche et s'inquiètent légitimement du risque de l'arrivée au pouvoir du RN. Mais considérant, comme dans les sondages, que les candidats de la majorité présidentielle seraient hors jeu (ce qui est faux, les sondages montrent trois blocs et pas un qui s'est effondré, ceux qui se sont effondrés, ce sont d'abord les candidats LR canal historique, c'est-à-dire anti-ciottistes), et ils ont montré un soulagement à peine dissimulé à l'accord complètement dément de la nouvelle farce populaire (NFP) où les socialistes, les écologistes et les communistes, pour quelques plats de lentilles (et circonscriptions !), se sont déculottés idéologiquement devant les insoumis, Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard.

    Résultat, comme toujours, les journalistes vont plus vite que la musique et demandent depuis deux semaines aux candidats Ensemble pour la République ce qu'ils feraient entre un candidat RN et un candidat NFP. Il faut bien comprendre que cette question en elle-même est idéologisée puisqu'elle exclut la possibilité que le candidat Ensemble soit présent et puisse même gagner au second tour. Pourtant, dans leurs projections incertaines, les sondages attribuent malgré tout une petite centaine de circonscriptions à la majorité présidentielle (qui, je le rappelle, resterait majorité présidentielle même si elle perdait ces élections législatives puisqu'une majorité des Français a choisi Emmanuel Macron en 2022 comme Président de la République pour cinq ans).

    Il y a bien sûr les autres que ceux de la majorité présidentielle qui y répondent. Parfois parce qu'ils ne sont pas politiques, comme Bernard-Henri Lévy qui, le 26 juin 2024 sur BFMTV, a déclaré qu'il ne choisirait pas si le choix était entre un candidat RN et un candidat insoumis. Le même jour sur la même chaîne, un autre philosophe, académicien lui, Alain Finkielkraut (qui va fêter son 75e anniversaire au cours du premier tour) a la même position et a annoncé du coup son vote pour un candidat de la majorité présidentielle.

    En fait, beaucoup, même issus de la gauche, ont cette démarche de refuser tous les extrêmes, l'extrême droite, bien sûr, et aussi l'extrême gauche. Et je veux souligner un fait important : l'extrême gauche n'est pas seulement France insoumise, c'est tout le NFP car cette alliance est une alliance bancale et quoi que disent les responsables du PS, du PCF, d'EELV, au soir du 7 juillet 2024, il y aura une majorité d'élus insoumis au sein du NFP. Pas étonnant : Jean-Luc Mélenchon et ses sbires se sont réservés les circonscriptions les plus gagnables, sur une analyse des élections européennes. Et l'éviction, dans les investitures, de candidats insoumis dissidents (parler de dissidents est significatif d'un régime qui tend à l'autoritaire), comme celle de Raquel Garrido et Alexis Corbière (qui en deviendraient presque sympathiques !), montre à l'évidence que Jean-Luc Mélenchon veut avoir le contrôle absolu du futur Premier Ministre si le NFP venait à gagner (pour le malheur de la France).


    Il faut d'ailleurs bien dire les choses : certains candidats socialistes, écologistes ou communistes sont bien ennuyés de s'être ligoté les mains avec la corde des insoumis car, par leur inconséquence, ils s'empêchent de former un réel front républicain allant jusqu'au centre droit voire la droite contre la possible arrivée au pouvoir du RN. Pour la majorité présidentielle, la situation est de toute façon simple : aucun extrême ! Vouloir combattre l'extrême droite en soutenant les insoumis serait paradoxal puisque cela irait à l'encontre les valeurs républicaines qui l'ont fait s'opposer à l'extrême droite.

    La difficulté, c'est d'imager un plan B après le second tour, la formation d'une grande coalition qui irait de la droite à la gauche, excluant les insoumis, mais comment combattre le NFP et essayer d'en récupérer quelques composantes ? C'est pourquoi ces alliés aux insoumis non seulement se sont mis eux-mêmes dans le pétrin mais vont plonger la France dans une aventure politique et institutionnelle durable.

    Une fois évoqué cela, beaucoup de responsables politiques et de journalistes (tous de gauche) disent que de toute façon, le NFP ne pourrait pas gagner la majorité absolue, donc ne serait pas au pouvoir, et donc, son programme démentiel ne serait pas appliqué. Et en profitent pour cyniquement dire : préférez donc un candidat même insoumis à un candidat RN, ça ferait toujours un siège de moins pour le RN et ça n'impacterait pas sur l'avenir de la France. Même Dominique Strauss-Kahn est tombé dans ce piège dans une interview le 25 juin 2024 à "Challenges" par une sorte de pari renouvelé de Pascal. J'imagine que de la pensée et de la philosophie (de chambre d'hôtel) de DSK, la plupart des électeurs, même sociaux-démocrates, s'en moquent, mais c'est utile de signaler l'arnaque intellectuelle, car la seule voie pour éviter le bloc d'extrême droite et le bloc des insoumis, c'est de voter pour le bloc central, il n'y a pas d'autre voie.

    En fait, la haine contre Emmanuel Macron est parfois plus forte, dans cette gauche modérée, ou les arrière-pensées de boutiquier (augmenter le nombre de sièges) plus fortes, que l'esprit de responsabilité et l'intérêt national. Cela fait peur ! Et la mauvaise foi est à tous les étages.

     

     
     


    Refusant de répondre à l'ultimatum un peu surréaliste de Marine Tondelier, la porte-parole d'EELV, sur la position de la majorité présidentielle entre le RN et le NFP, le président du MoDem François Bayrou, invité de France 5 le 26 juin 2024, a déclaré qu'il ne fallait pas parler de second tour alors que le premier tour n'a pas encore eu lieu. Et a rappelé que de toute façon, il ne pouvait se satisfaire d'un choix exclusivement entre le RN et FI. C'est pour cela qu'il a appelé les modérés à rejoindre les candidats de la majorité, seuls susceptibles d'éviter les extrêmes et de permettre à la France de continuer à progresser dans son économie et sa transition écologique. Ceux qui répondent à cette question lancée à gauche se placent déjà en état de défaite, et dans ce cas-là, ce n'est même plus la peine d'être candidat ! Il ne faut donc pas tomber dans ce piège.

    J'aime beaucoup François Bayrou et j'ai souvent voté pour lui (et étais membre du CDS et de l'UDF), mais je ne suis pas du tout d'accord avec lui sur le scrutin proportionnel car il a dit, sans avoir de contradiction sur le plateau, qu'il en avait marre d'avoir raison avant tout le monde en disant que le scrutin proportionnel empêchait les extrêmes, ce qui est pourtant complètement faux (c'est d'ailleurs la proportionnelle en 1986 qui a fait élire les premières dizaines de députés FN). Le problème de cette analyse, c'est que cela fait fi de la volonté des électeurs : quel que soit le mode de scrutin, la volonté des électeurs sera de toute façon servie et déclinée en majorité. François Bayrou se trompe en confondant le contenant avec le contenu. Le scrutin majoritaire a la grande qualité de permettre (la plupart du temps) de dégager des majorités pour gouverner et on a vu entre 2022 et 2024 comme c'est difficile quand il n'y en a pas (la proportionnelle empêchera la plupart du temps de dégager des majorités absolues). Je publierai un article sur ce sujet spécifique comme j'en avais l'intention, mais après ces élections législatives.

    Ce qui est fort de café, c'est de considérer que l'extrémisme mélenchonesque serait moins grave pour le pays que l'extrémisme du RN. Mais comme beaucoup de responsables de la majorité, je considère que la France ne s'en remettrait pas plus avec Jean-Luc Mélenchon ou son clone Manuel Bompard. Il faut aussi rejeter l'idée que le programme du NFP ne sert à rien, ce qui est d'un cynisme sans limite. Ceux qui ont signé pour un programme aussi irresponsable et inconséquent, mettant les finances publiques dans un état de faillite complète (200 à 300 milliards d'euros de déficit supplémentaire !) doivent assumer politiquement mais aussi électoralement leur signature. Je pense notamment à Olivier Faure mais aussi à François Hollande.

    Enfin, l'argument d'avoir voté Emmanuel Macron au second tour en 2022 et en 2017 a bon dos pour faire voter aux législatives pour Jean-Luc Mélenchon : les observateurs de la vie politique qui n'ont pas la mémoire d'un poisson rouge se rappelleront que Jean-Luc Mélenchon avait obstinément refusé de choisir entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron tant en 2017 qu'en 2022, alors qu'en 2002, je n'ai pas oublié qu'il avait été parmi les premiers à appeler à voter pour Jacques Chirac pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen. Il faut dire aussi qu'une large partie de son électorat allait de toute façon voter pour Marine Le Pen qui était, par ailleurs, une amie à Strasbourg lorsqu'ils étaient tous les deux députés européens. C'est donc très culotté de vouloir faire aujourd'hui à la majorité présidentielle des leçons de morale sur la manière de considérer ce qui est l'intérêt national ou pas.

    Il y a aussi les mots de vocabulaire. On parle de consignes de vote, mais on sait très bien que les électeurs se moquent des consignes de vote, ils sont adultes (et vaccinés) et n'ont besoin de personne pour faire leur choix. Il y a en revanche les consignes données aux candidats qui restent au second tour et la question de s'effacer ou de se maintenir pour éviter l'élection d'un candidat RN ou FI (et le candidat respectera-t-il les consignes nationales ?). On parle de front, il est national, populaire ou républicain mais il ne veut plus rien dire, comme l'expression faire barrage, mais faire barrage à qui ? Il y a ceux qui veulent faire barrage au RN, d'autres à Jean-Luc Mélenchon, d'autres encore à Emmanuel Macron, et ces trois barrages s'auto-compensent dans la tragédie électorale que nous vivons. Enfin, il y a deux expressions, le rassemblement et l'union nationale, toutes les deux préemptées par Jordan Bardella qui appelle à un gouvernement d'union nationale, comprendre d'union entre le Rassemblement nationale et LR canal Ciotti. Tous ces mots de vocabulaire sont dépassés, abusés, fatigués, épuisés et c'est bien pour cela que faire de la politique est compliqué, car les mots ont souvent trompé, trahi les électeurs et ont désormais des connotations négatives.

    Enfin, je termine sur la majorité sortante. Aller plus vite que la musique, c'est aussi penser à 2027 et à la prochaine élection présidentielle, et certains responsables de la majorité sont particulièrement décevants à ce sujet. Car 2027 est très loin, à des siècles de ce qui va se passer dans quelques jours. Vouloir se placer, se positionner pour 2027, c'est simplement oublier les Français et la France.

    Si la déclaration de Gérald Darmanin d'annoncer que s'il était réélu député, il resterait à l'Assemblée Nationale et quitterait le gouvernement pourrait sembler normale avant l'élection (dire à ses électeurs qu'il s'occupera d'eux), en revanche, les déclarations ambiguës de l'ancien Premier Ministre Édouard Philippe (il a dit le 20 juin 2024 sur LCI : « C'est le Président de la République qui a tué la majorité présidentielle, il a décidé de la dissoudre. ») et du Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire (ce dernier a dit le 20 juin 2024 sur TV5 Monde : « Vous savez, les parquets des ministères et des palais de la République sont pleins de cloportes. Il y a toujours eu des cloportes, ça fait partie de la vie politique française, ils sont dans les parquets, dans les rainures des parquets, c'est très difficile de s'en débarrasser. Le mieux, c'est de ne pas les écouter et de rester à sa place, qu'on soit Président de la République, Premier Ministre, ministre, et prendre ses décisions en conscience. ») ne montrent que de l'amertume voire de l'acidité inutile et inefficace en période de campagne. En revanche, Gabriel Attal a su tourner la page et s'attaquer à la campagne en la menant avec dynamisme et enthousiasme, et François Bayrou a rappelé il y a quelques jours que le temps de l'analyse ne peut venir qu'après les élections, pour l'instant, il faut faire campagne et les Français les attendent aussi.



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    Sylvain Rakotoarison (26 juin 2024)
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    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240626-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-11-front-255462

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/27/article-sr-20240626-legislatives.html